France : le Conseil constitutionnel valide la loi sur le service minimum dans les transports

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Publié le 17 août 2007
Le Conseil constitutionnel a validé, hier, la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Ce texte avait été déféré par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs devant cette juridiction.

Les griefs portaient sur les articles 2 à 6 et l'article 9 du texte soumis à la critique des magistrats. La décision rendu par le Conseil a été l'occasion pour ce dernier d'énoncer et de rappeler certains principes constitutionnels.

Sur les articles 2 et 3

Le dispositif prévu prévoyait notamment :

  1. l'instauration d'une procédure obligatoire de prévention des conflits dans les entreprises chargées d’une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;
  2. le dépôt d’un préavis de grève ne pouvant survenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer ce préavis ;
  3. la soumission de l’organisation et du déroulement de cette négociation à des règles fixées par un accord-cadre d’entreprise ou par un accord de branche et, à défaut d’accord au 1er janvier 2008, par un décret en Conseil d’État ;
  4. Engagement des négociations dans ces entreprises et au niveau de la branche en vue de la signature de tels accords avant le 1er janvier 2008  ;

Les requérants reprochaient à ce dispositif de « porter atteinte au domaine de la loi, à l’exercice du droit de grève et à la liberté contractuelle ».

Les juges ont cependant rejeté l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre de ces articles.

En premier lieu, il a été jugé que « il résulte de ces dispositions qu’il est loisible au législateur de renvoyer au décret ou de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités d’application des règles fixées par lui pour l’exercice du droit de grève ». Qu'en renvoyant l'application des textes à un décret pris après l'avis du Conseil d'État lequel se bornera à mettre en place le dispositif voté par le Parlement, aucune violation de la compétence du législateur n'a été méconnue.

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Fronton du Conseil constitutionnel.

En deuxième lieu, la négociation préalable avant le dépôt d'un préavis de grève n'est que la mise en œuvre du droit de grève. Les juges ont estimé qu'en « édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Ils ont ajouté qu'en ce qui concerne « les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ».

Les magistrats estimnt que le législateur a parfaitement concilié les exigences de deux principes constitutionnels qui, dans ce cas d'espèce, s'opposaient l'un à l'autre. C'est donc à bon droit qu'il était loisible au Parlement d'augmenter le délai de préavis de 5 à 13 jours, de réserver le droit de déposer un prévis aux seuls organisations syndicales représentatives, ou bien d'interdire à un même syndicat de déposer un nouveau préavis de grève pour les mêmes motifs avant l’expiration du précédent préavis.

En troisième lieu, les auteurs de la saisines avaient soulevé le moyen tiré de la violation du principe constitutionnel de la liberté contractuelle, « en imposant, avant le 1er janvier 2008, la mise en conformité des accords de prévention des conflits antérieurs ».

Le moyen a aussi été écarté par la juridiction. Selon cette dernière, « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que, s’agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de 1946 ».

Ainsi, en rendant « obligatoires et non plus facultatives les procédures de prévention des conflits antérieures », et en particulier celles prévues dans des accords-cadres signés à la RATP et SNCF, le texte « tend à renforcer la continuité du service public que ces entreprises ont la charge d’assurer, tout en garantissant le respect du principe d’égalité devant la loi ».

Sur l'article 4

Le dispositif de cet article s'articule sur plusieurs axes :

  1. confier aux autorités organisatrices de transport le soin de définir des dessertes prioritaires afin de permettre les déplacements de la population en cas de grève ou d’autre perturbation prévisible du trafic ;
  2. déterminer différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation ;
  3. élaborer un plan de transport adapté aux priorités de dessertes et un plan d’information des usagers ;
  4. intégration de ces plans aux conventions d’exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport et que les conventions en cours soient modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008 ;
  5. Faculté pour le représentant de l’État, en cas de carence de l’autorité organisatrice de transport et après mise en demeure infructueuse, d’arrêter lui-même les priorités de desserte ou d’approuver lesdits plans.

Les requérants estimaient que le dispositif portât une atteinte disproportionnée au droit de grève, de provoquer une rupture dans l'égalité de traitement des usager, de défavoriser les petites et moyennes entreprise au profit des grande et aussi de porter atteinte à la libre administratif des collectivités territoriales.

Les moyens ont été cependant rejetés. Les « sages » du Palais Royal ont estimé que « la définition de dessertes prioritaires et de plans de transports adaptés, n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de réglementer le droit de grève ».

De plus « les dispositions critiquées, qui tendent à garantir par des dispositions appropriées la continuité du service public dans certains transports terrestres sur l’ensemble du territoire, auront pour effet de prévenir une rupture caractérisée d’égalité des usagers devant ce service ». Le Conseil ajoute que le dispositif n'a pas pour effet « de défavoriser les petites et moyennes entreprises de transport dès lors qu’elles ne dérogent pas aux règles qui garantissent le principe d’égalité devant la commande publique ». Cependant, il ajoute qu'il « appartiendra, en tout état de cause, aux autorités administratives et juridictionnelles compétentes de veiller au respect du principe d’égalité et de la libre concurrence en matière de délégation de service public et de contrats de marché passés avec des autorités organisatrices ».

Enfin, aucune violation de la libre administration des collectivités n'a été relevée par les juges qui, selon eux, « il appartient donc au législateur de prévoir l’intervention du représentant de l’État pour remédier, sous le contrôle du juge, aux difficultés résultant de l’absence de décision de la part des autorités décentralisées compétentes en se substituant à ces dernières lorsque cette absence de décision risque de compromettre le fonctionnement des services publics et l’application des lois ».

Sur l'article 5

L'article 5 de la loi prévoyait notamment :

  1. L'obligation pour les partenaires sociaux d'engager des négociations dans les entreprises de transport en vue de signer, avant le 1er janvier 2008, « un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation du trafic ou de grève » ;
  2. L'obligation pour les salariés concernés d'informer leur employeur au plus tard 48 heures à l’avance, sous peine de sanction disciplinaire, de leur intention de participer à la grève.

Les députés et sénateurs auteurs de la saisine y voyaient une atteinte à l'exercice du droit de grève, notamment sur le risque de pressions de l'employeur « sur ses employés afin qu’ils renoncent à leur intention de faire grève ».

Le Conseil a estimé, quant à lui, que l'habilitation données par le législateur aux partenaires sociaux est suffisamment encadré après avoir rappelé qu'il est « il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte ».

En ce qui concerne l'obligation de déclaration préalable, dont elle « ne saurait être étendue à l’ensemble des salariés, n’est opposable qu’aux seuls salariés dont la présence détermine directement l’offre de services ». En outre, les sanctions disciplinaires « ont vocation à conforter l’efficacité du dispositif afin de faciliter la réaffectation des personnels disponibles pour la mise en œuvre du plan de transport adapté ». De plus, le Conseil précise que « l’obligation de déclaration ne s’oppose pas à ce qu’un salarié rejoigne un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n’avait pas initialement l’intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu’il en informe son employeur au plus tard quarante-huit heures à l’avance ».

Quant aux sanctions disciplinaires, elles seront soumises au contrôle du juge conformément aux règles générales déjà prévues.

Enfin, les juges ont abordé un point très important en ce qui concerne les les informations issues des déclarations individuelles. Le Conseil a rappellé qu'elle ne « pourront être utilisées que pour“« l’organisation du service durant la grève ” (…) Elles sont couvertes par le secret professionnel ». À cet égard, le Conseil a rappelé que « leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service sera passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal ». Aussi, « dans le silence de la loi déférée, les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s’appliquent de plein droit aux traitements de données à caractère personnel qui pourraient éventuellement être mis en œuvre ». Il en a déduit qu'il ne saurait y avoir atteinte à la vie privée.

Sur l'article 6

L'article 6 prévoit deux mesures :

  1. la désignation d'un médiateur dès le début de la grève aux fins de favoriser le règlement amiable des différends ;
  2. La possibilité pour l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur, au-delà de huit jours de grève, d’une consultation, ouverte aux salariés concernés par les motifs figurant dans le préavis, et portant sur la poursuite du mouvement.

Les requérants reprochaient au texte d'instituer un pouvoir de police au profit d'une personne privée. Le Conseil a aussi écarté ce moyen. Une telle consultation, qui n'est qu'une possibilité, « ne conditionne pas la poursuite ou l’interruption du conflit ».

Sur l'article 9

Le texte prévoyait notamment le remboursement des titres de transports « à l’entreprise de transport, quand celle-ci est directement responsable du défaut d’exécution (…) en fonction de la durée d’inexécution de ces plans ». Selon les parlementaires requérants, il porterait atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

L'exercices du pouvoir des collectivités s'exerçant, selon le Conseil, dans les conditions fixées par la loi, «  les dispositions critiquées de l’article 9 de la loi déférée se bornent à mettre en œuvre le principe de responsabilité qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ». Ainsi donc aucune atteinte de la sorte ne peut être reprochée au dispositif critiqué de la loi ainsi déférée devant le juge constitutionnel.

Sources


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