France : la Cour de cassation annule la condamnation de Bruno Gollnisch pour apologie de crimes contre l'humanité

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Publié le 11 juillet 2009
La Cour de cassation, par un arrêt en date du 23 juin 2009, a cassé et annulé sans renvoi l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon qui avait condamné Bruno Gollnisch pour contestation de crimes contre l'humanité, à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 000 euros d'amende ainsi qu'à une mesure de publication. L'affaire avait pris sa source en 2004 à la suite de propos tenus par l'intéressé devant la presse.

L'origine des faits

À la suite de la publication du rapport de la commission Rousso (commission d'historiens chargée d'enquêter sur le racisme et le négationnisme à l'Université Jean Moulin - Lyon 3), remis le 6 octobre à François Fillon, alors ministre de l'Éducation nationale, Bruno Gollnisch, lors d'une conférence de presse organisée le 11 octobre 2004 à Lyon, a tenu des propos qui ont suscité, par la suite, une polémique. Les thèmes de la conférence de presse concernent, outre le rapport Rousso, l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, l'affaire des otages en Irak et la rentrée politique et économique. Seule une personnalité politique de poids dans la Capitale des Gaules a apporté son soutien : Raymond Barre.

Lorsque le thème du rapport Rousso est abordé, au bout d'une heure, notamment par des questions de journalistes, Bruno Gollnisch a tenu les propos suivants :

« Il n'y a aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg, je pense que sur le drame concentrationnaire la discussion doit rester libre. Sur le nombre de morts, sur la façon dont les gens sont morts, les historiens ont le droit d'en discuter. L'existence des chambres à gaz, c'est aux historiens d'en discuter. Il n'existe plus aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg. Cela ne fait pas de moi l'apologiste des crimes indiscutables commis par le National Socialisme au cours de la seconde guerre mondiale, régime pour lequel ni moi ni mes amis n'avons eu jamais la moindre sympathie. Le nombre effectif de morts, les historiens peuvent en discuter. Je ne remets pas en cause l'existence des camps de concentration, il y a eu des déportations pour des raisons raciales sans doute des centaines de milliers ou millions de personnes exterminées. Le nombre effectif des morts, 50 ans après les faits, les historiens pourraient en discuter. Moi je ne nie pas les chambres à gaz homicides mais la discussion doit rester libre. L'existence des chambres à gaz c’est aux historiens d'en discuter ».

Des poursuites lancée sur ordre du Garde des Sceaux

Certaines organisations antiracistes comme le MRAP ont donc déposé une plainte pour négationnisme. Or, le Procureur de la République puis le juge d'instruction saisis de l'affaire n'ont relevé aucune infraction pénale. C'est Dominique Perben, Garde des Sceaux, et candidat à la mairie de Lyon, qui a ordonné au Parquet de poursuivre Bruno Gollnisch. Le Front national a dénoncé une manœuvre électoraliste de l'intéressé. Ce dernier avait, en outre, mal digéré son échec pour son accession à la présidence au Conseil régional de Bourgogne en 1992. À cette époque, le groupe FN, présidé par Pierre Jaboulet-Vercherre, avait voté en faveur du candidat soutenu par le parti socialiste, Jean-Pierre Soisson.

Le Tribunal correctionnel a suivi la position du Garde des Sceaux en condamnant le leader frontiste pour contestation de crime contre l'humanité. En 2007n ce jugement a été confirmé en appel avec des dommages-intérêts à verser aux associations requérantes.

La Cour de cassation censure les premiers juges

Mécontent de cette décision, Bruno Gollnisch s'est donc pourvu en cassation. Et c'est sur un motif de fond et non de forme que la Chambre criminelle de la Cour de Cassation lui a donné raison. Sur avis contraire du rapporteur général qui avait conclu au rejet du pourvoi, les onze magistrats ont énoncé, en préliminaire, un considérant de principe.

Selon les haut-magistrats, « il appartient à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la contestation de crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ». En s'appuyant sur ce principe, la Cour a retenu le moyen soulevé par M. Gollnisch selon lequel « les propos retenus dans la citation, qui renferment des énonciations contradictoires, ne permettent pas de caractériser à la charge du prévenu le délit de contestation d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels que définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et commis, soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ».

En relevant l'absence de tout propos répréhensible de la part du leader frontiste, la Cour a annulé purement et simplement l'arrêt confirmatif du juge d'appel. S'étant prononcé sur le fond de l'affaire, chose assez rare pour le juge de cassation, aucun renvoi n'a donc été prononcé.

Les avocats de Gollnisch exultent

L'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881

Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

Le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.

Dès la notification de la communication de l'arrêt, Me Wallerand de Saint-Just, l'un des avocats de Bruno Gollisch, a publié un long communiqué sur le site officiel du Front national. Celui-ci s'est articulé en 13 points, dénonçant les vues électoralistes de Dominique Perben en initiant les poursuites contre son client. « Il faut se souvenir que, depuis le début de la procédure, Bruno Gollnisch affirme que les propos qu'il a tenus pendant cette conférence de presse ont été tout à fait inexactement rapportés d'abord par certains journalistes, ensuite dans la citation du procureur de la république de Lyon, Xavier Richaud, quand, après avoir, selon Libération et RTL, conclu de l'enquête de la police criminelle, à l'innocence de Gollnisch, il l'a cependant poursuivi sur ordre formel du ministre et ex-candidat à la mairie de Lyon Dominique Perben », écrit-il en substance.

L'éminent juriste conclut que la Cour a jugé ainsi « que les propos [de Bruno Gollnisch] retenus dans la citation […] renferment des énonciations contradictoires ». Étaient particulièrement énoncés, « les propos incriminés par la citation sont constitués de bribes de réponses à une série de plusieurs questions posées successivement par des journalistes présents lors de la conférence de presse, rapportées — sans indication du contenu des questions — par tel ou tel d'entre eux, mises bout à bout dans le désordre et présentées inexactement comme une déclaration se concluant par une réponse à une unique question ».

Ainsi et selon l'avocat, la décision de la Cour « met aussi en cause la responsabilité professionnelle et morale de ceux des journalistes qui, ayant assisté à la conférence de presse de Bruno Gollnisch et provoqué ses réponses par leurs questions répétitives, ont tronqué ou relaté mensongèrement ses propos, et sont venus fournir des faux témoignages, d'abord dans leurs agences ou journaux, puis à la police criminelle et enfin au tribunal correctionnel. Cas notamment de MM. Crouzet, Fromentin, Forcari, de MME. Catherine Lagrange et Sophie Landrin. Tous qualifiés significativement de « chiens de garde de la démocrati » (sic) par le juge Schir ».

En tout état de cause, les défenseurs de M. Gollnisch ne comptent pas en rester là. Ils souhaitent mettre en cause la responsabilité des initiateurs des poursuites pénales dont il a fait l'objet.

Voir aussi

Sources


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