France : la Cour d'appel de Paris retoque le contrat nouvelles embauches

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Publié le 8 juillet 2007
Par un arrêt très attendu et rendu hier, la Cour d'appel de Paris a estimé que le CNE[1], créé sous le gouvernement de Villepin, était contraire au droit international du travail.

Auparavant, le Tribunal des conflits avait à statuer sur la nature juridique de l'ordonnance créant le contrat nouvelles embauches. L'État faisait valoir que ce texte était toujours un acte administratif lequel était validé par le Conseil d'État. Le Tribunal en a estimé le contraire en déduisant son caractère législatif du fait de la modification d'une de ses dispositions par le Parlement. Ces dernières revêtaient un caractère inséparable du restant du dispositif.

L'affaire concerne une secrétaire d'un mandataire judiciaire, recrutée initialement sous CDD[2] de six mois renouvelable par tacite reconduction, avec une période d'un mois d'essai. Son employeur a conclu un CNE devant commencer le 1er janvier 2006. Elle a été licenciée par la suite et sans motif selon les dispositions de l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le CNE.

Avant de se pencher sur la conventionnalité de l'ordonnance en question, la Cour censure la disposition du contrat qui prévoyait une telle durée pour la période d'essai en question. Après avoir rappelé qu'une telle période d'essai pour le CDD ne pouvait excéder 15 jours, la Cour alloue 1 000 euros d'indemnité à la salariée.

L'ordonnance du 2 août 2005 viole le droit international du travail

La Cour a critiqué le dispositif de l'ordonnance créant ce nouveau type de contrat. Elle a d'abord constaté « qu'il n'est contesté par aucune des parties au litige que la Convention n° 158 de l'OIT[3] concernant la cessation de la relaton de travail à l'initiative de l'employeur (…) est directement applicable par les juridiction françaises ». En faisant référence à une décision rendue par la Cour de cassation l'an dernier, elle précise que le texte en question constitue « des dispositions à caractère obligatoire et normatif don la formulation complète et précise, rend inutile l'adoption de règles d'application » impliquant nécessairement qu'elle sont « directement applicables en droit français ».

En premier lieu, la Cour a relevé « qu'en excluant la nécéssité d'asseoir la rupture du contrat “nouvelles embauches” sur un motif réel et sérieux, l'ordonnance du 2 août 2005 déroge à l'art. 4. de la convention n° 158 (Voir encadré ». Elle a basé son argumentation sur deux décisions du Conseil constitutionnel. Une précision rendue le 9 novembre 1999, « a posé les limites constitutionnelles à la liberter de rompre unilatéralement un contrat » selon lesquelles « l'information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture devant toutefois être garanties ». Elle a souligné que dans cette même décision que « le contrat de travail appartient à cette catégorie dans lequel le salarié se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son cocontractant ».

De plus, la Cour a aussi mis en avant que ledit Conseil, saisi d'un recours contre la loi d'habilitation de prendre l'ordonnance critiquée, « n'a pas manqué de rappeler les principes qu'il a dégagés en déclarant la loi d'habilitation “ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement (…) de respecter les règles et principes de valeurs constitutionnels, ainsi que les normes internationales ou européennes applicables ».

En second lieu, elle estime aussi que cette même ordonnance dérogeait toujours à la convention n° 158 en son article 7 en excluant toutes les garanties liées à la « procédure préalable au licenciement : convocation à l'entretien préalable, entretien sur les motifs du licenciement envisagé, délai de rélfexion » .

En troisième lieu, la Cour critique la théorie de la motivation implicite car elle « se heurte à la contradiction insurmontable de demander à un juge d'apprécier le bien fondé d'un licenciement sans qu'il puisse exiger de l'employeur qu'il rapporte la preuve de son motif ». Le texte s'est donc écarté de l'article 9 de la convention en question.

En quatrième lieu, c'est au tour de la durée de la période d'essai de passer sous les fourches caudines des magistrats. L'article 2-2b de la convention impose un délai raisonnable de la période d'essai. Or l'analyse de la Cour diffère de celle du Conseil d'État sur le caractère raisonnable d'un tel délai : « En l'espèce, durant une période de duex années, le contrat “nouvelles embauches” prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 et dans laquelle la charge de la preuve de l'abus de la rupture incombait au salarié ; que cette régression qui va l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail, dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prise les salariés des garanties d'exercie de leur droit au travail ; que dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moin aussi pertient que les facilités données aux employeurs pour les licencier et qu'il pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements »

Et au juge d'appel d'enfoncer le clou en relevant « qu'aucune législation de pays européens, comparables à la France, n'a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux de matière de rupture du contrat de travail ». En conséquence, la Cour a conclu en déclarant un tel délai comme non raisonnable.

Vers un pourvoi en cassation

L'employeur s'est donc vu confirmé sa condamnation à verser des dommages-intérêts à la salariée, ainsi qu'à l'Union locale CGT du département. Ce sont 15 000 € d'indemnité pour rupture abusive du contrat qui devront être payées.

L'arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Paris sera plus que vraisemblablement frappé de pourvoi en cassation. Au vu de l'enjeu d'un telle décision, il est difficile à penser que les parties ayant succombé à l'instance en resteront là.

Notes
Ce que dit la convention n° 158 de l'OIT

La France a adhéré à la convention en question ce qui fait que, selon la Cour d'appel de Paris, son dispositif est directement applicable en droit français sans qu'il y ait besoin d'une mise œuvre par des mesures d'application.

L'article 4 de la convention dispose « Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. »

L'article 7 précise : « Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité. ».

Enfin, c'est là que la Cour a estimé comme excessive la durée du préavis de 2 ans : l'article 2, §2-b : « Un Membre pourra exclure du champ d’application de l’ensemble ou de certaines des dispositions de la présente convention les catégories suivantes de travailleurs salariés (…) / b) les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ». Elle se démarque donc du Conseil d'État qui a jugé, quant à lui, qu'une telle durée était raisonnable. C'était donc tout l'enjeu de la procédure du Gouvernement lancée devant le Tribunal des conflits afin de faire reconnaître que l'ordonnance était toujours un acte administratif. Dans cette hypothèse, les juges judiciaires ne pouvaient donc en apprécier la légalité vouant ainsi à l'échec les recours devant le juge prud'hommal. Tel n'en a pas été le cas dans cette affaire.

Voir aussi

Sources


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