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Affaire Al Doura : un rapport bat en brêche la version de France 2

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La bande de Gaza

Publié le 5 mars 2008
Un rapport d'un expert indépendant relance la polémique sur la mort du jeune Mohamed Al Dura lors des événements en 2000.

Les faits remontent à septembre 2000, lors d'une confrontation entre Palestiniens et un poste de surveillance israëlien dans la bande de Gaza, au carrefour de Netzarim. Le 30 septembre 2000, France 2 avait diffusé un reportage d'une minute présentant la mort par balle du jeune Mohamed sous le feu nourri des Israêliens. Selon Talal Abou Rhama, journaliste de la chaîne publique présent sur les lieux, son père, Jamal, aurait été blessé au bras droit, au ventre et aux membres inférieurs. Selon l'intéressé, l'enfant aurait saigné entre 10 et 15 minutes avant de décéder sur place. France 2 avait été le seul média à avoir filmé la mort de l'enfant à la différence des autres caméramen présents sur place.

Les images diffusées avaient alors provoqué un certain émoi dans la communauté internationale, mettant ainsi Jérusalem dans l'embarras.

Très vite, plusieurs voix, notamment en Israël, ont contesté la version des faits relatée par la chaîne française. Ainsi, Media Ratings, avait estimé qu'il s'agissait simplement d'une mise en scène. Ceci avait provoqué la colère de Charles Enderlin, correspondant de presse pour France 2 en Israël. Ce dernier avait assigné Media Ratings en justice puis obtenu sa condamnation pour diffamation.

L'affaire n'en est pas restée là. La partie perdante a interjeté appel puis demandé un rapport d'un expert indépendant chargé de rendre un avis sur cette affaire. Ce dernier a donc examiné les images à partir de plusieurs sources journalistiques différentes, puis procédé à divers essais balistiques avant de rendre ses conclusions. Tout semblerait donner raison à Media Ratings.

La version de France 2 mise en doute

Dans ses conclusions préliminaires, le rapport estime que « De nombreux éléments sont de nature à mettre en doute que le père et le fils ont été atteints par des projectiles. Selon les déclarations, Mohamed a été blessé au genou droit et au ventre, alors qu’aucune trace d’impact ou de sang n’est visible sur ses vêtements. Bien que Talal Abou Rhama, photographe de France 2 déclare que l’enfant a saigné pendant dix à quinze minutes, aucune trace de sang n’est visible sur le sol. Si la blessure au ventre avait été transfixiante comme le déclare un médecin, des projections de sang et de chair seraient visibles sur le mur, ce qui n’apparaît pas sur les photographies de la BBC couvrant les dix secondes qui suivent le reportage de France 2. ».

Plan des lieux en question

Le plus troublant vient de la balistique estime le rapport : « Talal Abou Rhama déclare que des tirs ont été dirigés sur Jamal et Mohamed AL DOURA pendant au minimum quarante minutes. Si tel avait été le cas, et en supposant qu’un seul tireur ait concentré ses coups de feu dans leur direction pendant tout ce temps, ce n’est pas huit impacts qui auraient été constatés sur le mur, mais au minimum deux mille ». L'expert va plus loin en analysant les 8 impacts de balles sur le mur autour de Mohamed et Jamal Al Dura. Les impacts ne peuvent provenir du poste israëlien de par l'angle de tir. Celui-ci était d'environ 35° alors que les impacts ne pouvaient être provoqués que par un tir perpendiculaire au mur ce qui correspondait à la position du poste palestinien « PITA », « ou de tireurs isolés situés dans le même axe que ce dernier. Les autres impacts sur le mur peuvent provenir de tirs effectués alors que Jamal et Mohamed AL DOURA ne se trouvaient pas derrière le baril, puisque les coups de feu n’ont pas été filmés ».

Reste le bidon protègeant les deux victimes. Celui-ci « ne présente aucune trace d’impact traversant. Dans cette position, ils ne pouvaient être atteints qu’au niveau des membres inférieurs. Les essais de tir réalisés avec les armes utilisées à l’époque des faits par l’armée israélienne ont montré que les impacts caractéristiques de tirs obliques, auraient été nettement de forme allongée et pratiquement horizontale. Ceux visibles sur le mur sont globalement circulaires, ce qui correspond à des coups de feu tirés perpendiculairement au plan de ce mur. Talal Abou Rhama déclare que les tirs provenaient de derrière lui, alors que le poste israélien se trouvait nettement sur sa droite et légèrement en arrière de son emplacement de tournage. Il n’est pas vraisemblable que le cameraman de l’agence Reuters et un autre journaliste se soient placés à coté de Mohamed AL DOURA avant la « mort » de ce dernier, car ils auraient été directement soumis au feu israélien. »

L'auteur du rapport a donc conclu enfin : « Si Jamal et Mohamed AL DOURA ont été atteints par balles, les tirs ne pouvaient techniquement pas provenir du poste israélien, mais seulement du poste palestinien “PITA”, ou de tireurs placés dans le même axe. En tenant compte du contexte général et des nombreuses mises en scène que nous avons constatées sur l’ensemble des documents étudiés, aucun élément objectif ne nous permet de conclure que l’enfant a été tué et son père blessé dans les conditions qui ressortent du reportage de France 2. Il est donc sérieusement possible qu’il s’agisse d’une mise en scène ».

Réactions lors de l'audience devant la 11ème chambre de la Cour d'appel de Paris

Charles Enderlin a donc contesté en bloc le rapport de 67 pages rendu par M. Jean-Claude Schlinger lors de l'audience d'appel s'est tenue le 27 février 2008 durant près de 6 heures. À la demande des intimés, la Cour a rejeté la demande de Media-Ratings d'auditionner l'expert auteur du rapport.

Les explications de Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media-Ratings, aurait mis dans l'embarras Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2, ainsi que Charles Enderlin.

Malgré les argumentations de la partie appelante, l'avocat général a requis la confirmation du jugement la condamnant, lui refusant le bénéfice de la bonne foi.

Selon l'agence Guysen, Me Delphine Meillet, pour Philippe Karsenty, a mis en avant « l’étroit contrôle des médias par l’Autorité palestinienne - ce dont se plaint Reporters sans frontières (RSF) - et l’engagement politico-journalistique de Talal Abu Rahma en faveur de la cause palestinienne ».

L'autre avocat de la défense, Me Patrick Maisonneuve, a sollicité, de la Cour, la relaxe de son client, Philippe Karsenty : « Sans vous, il n’aurait jamais pu obtenir les rushes de France 2. Il a fallu sept ans pour les avoir. Pour tout le monde, ces rushes durent 27 minutes. Ceux visionnés durent 18 minutes. Il en manque un peu, [notamment] la scène de l’agonie de Mohamed al-Dura que Charles Enderlin a déclaré au Nouvel Obs ou à Télérama avoir coupée car elle était “insupportable” (…) L’expert balistique n’est pas un mercenaire de Philippe Karsenty. Il corrobore ses affirmations. Les tirs ne provenaient pas de la position israélienne. Charles Enderlin maintient qu’il s’agit de tirs israéliens. Ces images auraient-elles eu de telles conséquences sans son commentaire ? ».

L'affaire été mise en délibéré pour le 21 mai 2008.

Sources