France : la Cour de cassation et l'obligation des assureurs en matière d'information et de conseil
Publié le 10 mars 2007
C'est un arrêt important en matière d'assurances en France que vient de rendre la Cour de cassation le 2 mars dernier. Réunie dans sa formation la plus solennelle, la Haute juridiction vient de réaffirmer l'obligation d'information et de conseil des assureurs vis à vis de leurs clients.
L'affaire s'annonce mal
L'affaire touchait un couple d'agriculteurs avaient adhéré à des assurances de groupes souscrites par le prêteur auprès de la Caisse nationale de prévoyance (CNP) à l'occasion de chaque prêt. L'emprunteur ne pouvant honorer, pour raison de santé, ses engagements auprès de la banque, il s'est vu refuser la garantie financière de la part de la CNP au motif que l'assurance ne couvrait que l'invalidité totale et définitive. Selon cette même caisse, elle ne pouvait donc s'appliquer à la seule inaptitude à la profession d'agriculteur.
S'estimant lésé, le couple a assigné en justice la CNP en lui demandant des dommages et intérêts. Ils estiment que leur banque avait manqué à son devoir d'obligation en matière d'information de ses adhérents compte tenu de leur situation.
L'affaire s'annonce mal pour eux : la cour d'appel de Poitiers rejette leur demande par un arrêt irrévocable du 25 mars 1997. Les intéressés se sont retournés contre la Caisse régionale du Crédit agricole du Poitou pour les mêmes motifs. Nouveau refus de cette même cour d'appel le 20 novembre 2001 : elle a estimé qu'il y avait identité d'objet avec l'arrêt définitif du 25 mars 1997. En outre, elle a jugé que la Caisse n'avait pas manqué à son obligation d'information en remettant une notice indiquant clairement l'étendue des garanties.
L'impasse malgré la cassation
L'espoir renaît chez ce couple d'agriculteurs quand la chambre commerciale de la Cour de cassation leur donne raison. Par une décision en date du 26 mai 2004, la Cour a retenu les trois moyens de cassation soulevé par les requérants.
En premier lieu, les magistrats ont relevé, quant à eux, qu'il n'existait aucune identité d'objet ni de cause entre les deux arrêts de la Cour d'appel de Poitiers.
En second lieu, la Cour rappelle que « l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif de la décision ». Après avoir relevé qu'il n'était fait nullement mention du contrat d'assurance dans le dispositif en question, l'arrêt du juge d'appel était donc irrégulier en la forme.
En dernier lieu, et le plus important, les époux obtiennent satisfaction sur le fond. Il incombait au juge du fond de rechercher si « la Caisse avait rempli son devoir d'information et de conseil à l'égard de son adhérent » et non pas se borner à la simple lecture du contrat d'assurance.
L'arrêt fut cassé et l'affaire renvoyée devant la Cour d'appel de Limoges.
Peine perdue, la Cour de renvoi confirme la décision prise par la Cour d'appel de Poitiers et rejette la demande des agriculteurs.
La Cour de cassation persiste et signe
L'affaire étant renvoyée une seconde fois devant la Cour de cassation. Cette dernière s'est donc réunie en assemblée plénière pour trancher définitivement la question de droit. Elle confirme la solution retenue par sa chambre commerciale selon laquelle « le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation »
La décision se fonde sur l'article 1147 du code civil, qui dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
L'arrêt de la Cour d'appel de Limoges a été donc cassé et l'affaire renvoyée devant la Cour d'appel de Paris. Cette dernière sera donc obligée de suivre le sens de la décision de la Cour de cassation et devra donc statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée devant les premiers juges.
Voir aussi
- L'arrêt du 26 mai 2004 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
- L'arrêt du 2 mars 2007 rendu par l'assemblée plénière de la Cour de cassation.
Sources
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- Communiqué de presse : ((fr)) « Communiqué relatif à l'arrêt n° 553 rendu le 2 mars 2007 par l'assemblée plénière ». 2 mars 2007, .