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Turquie : mort de l'ancien Premier ministre Bülent Ecevit

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Publié le 6 novembre 2006
Bulent Ecevit, journaliste, poète et homme politique turc, qui fut Premier ministre de Turquie à cinq reprises, est décédé à l'âge de 81 ans, dimanche 5 novembre 2006, à l'hôpital militaire d'Ankara, où il était soigné depuis le 18 mai dernier, à la suite d'un accident cardiaque, qui l'avait plongé dans un coma dont il n'est pas ressorti.

Bülent Ecevit

M. Ecevit était entré en politique en 1957, année où il fut élu député sous la bannière du Cumhuriyet Halk Partisi (CHP, « Parti républicain du peuple »), une formation classée au centre-gauche. Il est remarqué par İsmet İnönü, leader du CHP, ancien compagnon d'armes d'Atatürk et ancien président de la République, dans l'opposition depuis le début des années 1950.

Lorsqu'İnönü revient au pouvoir, à la suite des élections de 1961, Bülent Ecevit se voit confier le ministère du Travail, qu'il occupera jusqu'en 1965. M. Ecevit quitte le gouvernement en même temps que son mentor et se consacre à l'organisation interne du CHP, au sein duquel il anime l'aile gauche, qui défend un « socialisme démocratique ». En 1966, il devient secrétaire général du parti.

En 1971, Bülent Ecevit démissionne du secrétariat général, en désaccord avec la ligne de son parti, qui décide de participer au gouvernement d'union nationale formé par Nihat Erim, pressenti comme Premier ministre après la démission de Süleyman Demirel sous la pression des militaires turcs. Le froid entre le parti et son ancien secrétaire général ne dure toutefois qu'un peu plus d'un an, le grand âge d'İsmet İnönü conduisant l'appareil du parti à organiser une fronde contre le vieux leader et à élire Bülent Ecevit à la présidence du CHP le 18 mai 1972.

La victoire relative du CHP aux élections législatives, en 1973, conduit à la formation d'une coalition entre le CHP et le Milli Selamet Partisi (MSP, « Parti du bien-être national »), présidé par Necmettin Erbakan, et à la nomination de M. Ecevit comme Premier ministre, le 26 janvier 1974.

C'est lors de ce premier passage à la tête du gouvernement que Bülent Ecevit, le 20 juillet 1974 donne le feu vert pour l'invasion, par l'armée turque, de l'île de Chypre où, cinq jours plus tôt, un coup d'État militaire – fomenté par la dictature des colonels grecs –, ayant comme objectif final le rattachement de la petite république « binationale » à la Grèce. Lors de ce coup d'État, l'archevêque Makarios III, primat de l'Église orthodoxe de Chypre et président de la République de Chypre, fut temporairement déposé. L'armée turque s'appuya sur ce complot pour invoquer une nécessité de protéger les populations chypriotes turques et, après son invasion, prit le contrôle d'un gros tiers de l'île, dans le nord-est, en chassa tous les Chypriotes grecs et téléguida la formation d'une République turque de Chypre du Nord, toujours existante bien que n'étant reconnue que par la Turquie et le Pakistan.

Pendant ce temps, en raison de dissensions au niveau de la politique intérieure, la coalition avec le MSP se délite et, le 17 novembre 1974, M. Ecevit démissionne et cède la place à un gouvernement de transition, dirigé par Sadi Irmak, à son tour remplacé par Süleyman Demirel de 1975 à 1977.

Le 21 juin 1977, M. Demirel est contraint à la démission, et M. Ecevit redevient Premier ministre, fonction qu'il est à son tour obligé d'abandonner un mois plus tard, le 21 juillet, au profit... de M. Demirel, qui parvient à se maintenir à la tête du gouvernement jusqu'au 5 janvier 1978, date à laquelle M. Ecevit reprend la place, pour une durée un peu plus longue cette fois, puisque son dernier remplacement par Süleyman Demirel n'intervient que le 12 novembre 1979.

Moins d'un an plus tard, l'armée turque, se basant notamment sur une certaine instabilité des institutions turques et une situation socio-économique grave, renverse le gouvernement de M. Demirel, forme un gouvernement militaire (qui restera en place jusqu'en 1983) interdit tous les partis politiques existants et place en détention un certain nombre d'hommes politiques, dont M. Ecevit.

En 1985, l'épouse de Bülent Ecevit, Rahsan, crée le Demokratik Sol Parti (DSP, « Parti démocratique de la gauche »), qui restera dans l'opposition jusqu'en 1997.

Le 30 juin 1997, après la chute du gouvernement islamiste de Nekmettin Erbakan, brièvement allié de M. Ecevit en 1974, Le DSP est enfin associé au pouvoir, en formant une coalition avec l'Anavatan Partisi (ANAP, « Parti de la mère patrie »), sous la direction de Mesut Yılmaz, M. Ecevit revenant au gouvernement au poste de vice-Premier ministre. L'alliance ne tient que jusqu'au 11 janvier 1999, date à laquelle M. Yılmaz démissionne, entraînant la formation d'un gouvernement de transition dirigé par M. Ecevit, monocolore et minoritaire mais soutenu de l'extérieur par l'ANAP et le Doğru Yol Partisi (DYP, « Parti de la juste voie »), formation réputée « islamiste » fondée par Recep Tayyip Erdoğan, ancien maire d'Istanbul, après l'interdiction du Refah Partisi (RP, « Parti du bien-être »), dernière formation fondée et présidée par Nekmetti Erbakan.

Durant cette dernière période au pouvoir, M. Ecevit assista à l'arrestation, le d'Abdullah Öcalan, leader du « ku » (PKK, « Parti des travailleurs du Kurdistan »).

Le 28 mai, après la nette victoire de la coalition tripartite aux élections législatives, Bülent Ecevit forme son dernier gouvernement, groupant les députés de centre gauche du DSP, l'ANAP de centre-droit et le Milliyetçi Hareket Partisi (MHP, « Parti d'action nationaliste »), réputé d'« extrême-droite », avec une confortable majorité parlementaire de 351 sièges sur 550.

La crise économique en Turquie ne faiblit pas et la population, dans un mouvement de rejet sans précédent, s'était détournée des partis politiques traditionnels et, lors des élections du 3 novembre 2002, accordait une conforatble majorité relative et une large majorité en sièges à l'Adalet ve Kalkınma Partisi (AKP, « Parti pour la justice et le développement »), dernier parti fondé par Recep Tayyip Erdoğan. Celui-ci, toutefois, étant toujours sous le coup d'une condamnation judiciaire, ne put toutefois prendre les rênes du gouvernement que le 12 mars 2003, l'« intérim » étant assuré, à partir du 19 novembre 2002, par son « lieutenant » Abdullah Gül.

Bülent Ecevit, dont le parti s'était effondré lors des élections de 2002 (passant de près de 7 millions de voix, soit 22,19 % en 1999 à moins de 400 000 voix soit 1,22 %, et perdant la totalité de ses 136 sièges), se résolut alors à quitter définitivement la vie politique turque.

Sources

Sources francophones
Sources anglophones