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Quand des étudiants de Science Po vandalisent Wikipédia…

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Publié le 13 juillet 2007
C'est d'une bien curieuse façon qu'ont procédé des étudiants en journalisme de Sciences Po Paris pour établir un rapport d'études sur la « crédibilité » de Wikipédia dans sa version francophone, l'un des sites phares de la Fondation Wikimédia. Ce projet, l'un des plus consultés en France, vient en effet d'essuyer une attaque en règle de la part de ces étudiants. Ceux-ci, pour étayer leur postulat initial (c'est-à-dire prouver que Wikipédia n'est pas fiable), ont introduit des erreurs factuelles délibérées dans certains articles de l'encyclopédie en ligne.

L'enquête sur Wikipédia

Il est important de noter que cette pratique est considérée par la communauté wikipédienne comme du vandalisme, c'est-à-dire une détérioration volontaire de l'encyclopédie, et plus particulièrement ce qui dans le jargon wikipédien est appelé un POINT - c'est-à-dire un acte volontaire de détérioration pour une argumentation personnelle (voir à ce sujet la page de Wikipédia qui est dédiée à ce problème). De plus, fait sans aucun doute aggravant aux yeux de la communauté wikipédienne, l'étude menée par cinq étudiants du prestigieux institut était dirigée par l'écrivain Pierre Assouline, lequel, par ses attaques virulentes contre le projet - parties d'une erreur sur l'article consacré à l'affaire Dreyfus, avait suscité des levées de boucliers et des réponses non moins virulentes sur l'objectivité des propos tenus, dont on peut retrouver les traces sur son blog. L'Agence Science-Presse confirme de son côté : « Cette recherche n’a d’ailleurs pas été initiée par hasard par Pierre Assouline, qui enseigne à ces étudiants de cinquième année de l’école de journalisme de Sciences Po. » Il est d'ailleurs assez intéressant de voir que l'un des articles qu'ont ciblé les futurs journalistes est justement celui dédié à cet écrivain.

Le projet Wikipédia francophone suscite un intérêt grandissant de la part des média de langue française - phénomène que l'on retrouve pour les autres langues dans lesquelles Wikipédia existe. - en raison de son nombre toujours croissants d'intervenants, de la diversité des sujet abordés, et des reprises de ses articles qui se retrouvent de plus en plus souvent dans les devoirs et mémoires d'étudiants. Ainsi, en début d'année, Le Figaro avait publié un article sur les forces et faiblesses du projet. En revanche, il s'agit bien d'un réquisitoire qui a été écrit dans les pages de Libération. Dans un article intitulé « Wikipédia se trompe à tous vents », l'auteur fait un bref résumé de cette « enquête ». Puis c'est au tour de « Le Monde » de diffuser une interview sonore en quatre parties sur son site, toujours à charge contre l'encyclopédie en ligne.

Les réactions

L'importance des sources sur les projets de la WMF vue par Rama (auteur).

La communauté wikipédienne, mise au courant par la publication de Libération, a réagi très rapidement. David Monniaux, un des administrateurs de Wikipedia et membre de l'association Wikimedia France dont le but est de promouvoir les projets de la Wikimedia Fondation[1], a donc procédé dans un premier temps à un blocage en écriture des plages IP utilisées par les étudiants de Science Po pour procéder à leurs essais pour une durée de trois mois, puis la communauté s'est emparée du débat, le blocage suscitant quelques interrogations sur sa pertinence, non éteintes à cette heure. Agnès Chauveau, directrice exécutive de l'école de journalisme de Sciences Po, a déclaré à LCI (dans l'article Polémique : quand Wikipedia punit Sciences Po) être étonnée de ce blocage car, selon elle, ses « étudiants n'ont pas saboté l'encyclopédie mais simplement effectué des tests dans le cadre d'une enquête en introduisant des erreurs. L'objectif n'était pas de les laisser en ligne ». De même, l'étude de 67 pages produite ne constituerait pas « une enquête à charge ».

Cependant, il y a plusieurs aspects sur lesquels la communauté de Wikipédia est relativement unanime. Ainsi, l'enquête semble biaisée dès le départ, au vu des différends entre Pierre Assouline et l'encyclopédie en ligne. Les déclarations de Pierre Assouline indiquent d'ailleurs qu'il s'agissait de « démonter » un fonctionnement (et non d'étudier) qu'un des rédacteurs de l'enquête a qualifié de fonctionnement en « kolkhozes » sur France Culture. Cette enquête contrevient, non pas au principe de libre modification de l'encyclopédie, mais, comme indiqué plus haut, à sa qualité (de manière mineure[2]) et ce de manière volontaire, ce qui est selon ses propres modes de fonctionnement, assimilable à du vandalisme. Et cette pratique de vandalisme avait été relevée bien avant l'enquête par les usagers de l'encyclopédie en ligne, des adresses d'ordinateurs appartenant à l'établissement ayant déjà été bloquées pour des faits similaires.
Un autre point noir pour les « wikipédiens » est que le contenu de l'enquête, contrairement à ce qui se pratique pour ce genre de travaux - et l'usage qui en est fait - n'est pas accessible, et donc peut difficilement être contredite. Cependant, David Monniaux, par ailleurs chargé de recherche au CNRS à l'École normale supérieure de Paris, et qui avait annoncé avoir « été contacté par un média avant même d'avoir eu accès à cette enquête » est parvenu à se faire communiquer ce mémoire par l'un des auteurs. Il a publié dans les pages du projet Wikimedia meta (autre projet de la Fondation Wikimedia) une critique de type « revue »[3], où il relève plusieurs erreurs factuelles et affirmations non étayées. Enfin, un autre des reproches majeurs fait par la communauté « wikipédienne » - et pas le moindre du point de vue de la rigueur scientifique - s'adresse non pas aux auteurs de ce mémoire, mais bien au journal Libération. En effet, il est relativement étonnant pour elle que ce journal ait aussi bien considéré une étude contenant des erreurs factuelles mais aussi et surtout dénigrant la revue scientifique Nature sur le sérieux d'un article comparant Wikipédia et l'Encyclopedia Britannica.
Cependant, et comme cela est affiché depuis longtemps, Wikipédia, qui fonctionne sur le principe du wiki collaboratif, s'affirme consciente de ses forces et faiblesses et insiste en particulier sur le fait qu'elle ne peut et ne doit pas être considérée comme une source primaire pour quelque travail que ce soit, et encourage donc le sens critique de ses lecteurs.

Et maintenant ?

Les étudiants de Science Po ont indiqué que l'enquête source de la polémique était susceptible d'être publiée (ce qui constitue une des raisons de sa non-communication au public). Cependant, à l'heure où cet article est mis en ligne, la communauté wikipédienne n'a pas arrêté sa décision sur les faits, mais il semble que la balance penche vers une attitude ferme avec sanction à la clé. La sanction serait alors un blocage en écriture (et non une coupure, comme l'indiquent certains média) de Wikipédia pour cet établissement, à l'instar de ce qui se pratique pour les établissements scolaires dont les élèves se livrent à ces vandalismes ou autres comportements sources de troubles.
Les questions de la visibilité de Wikipédia, de la compréhension de son fonctionnement et du regard que l'on pose sur elle (en particulier de la presse et du monde universitaire) restent posées, principalement en termes d'objectivité. Cependant, on pourra noter que figurer sur l'encyclopédie (par le biais de son « google rank »[4]) devient relativement recherché, comme les utilisateurs de Wikipédia ont pu le constater lors des récentes campagnes électorales françaises, ou encore sur des articles portant sur certaines sociétés ou personnalités.

Avertissement
Aucune des personnes nommément citées ci-dessus, de même qu'aucun des rédacteurs de l'enquête, n'ont participé à la rédaction du présent article.
Notes

Voir Aussi

Sources


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