Droit en France : la qualification de la faute inexcusable d'un pilote d'avion
Publié le 5 octobre 2007
La Cour de cassation a rendu, mardi, deux arrêts relatifs à la qualification de la faute inexcusable d'un pilote d'avion. Les deux affaires concernaient respectivement un vol de ligne et un vol privé.
La première affaire
La première affaire faisait suite au crash d'un Beechcraft 90 appartenant à la « King air service, filiale de la société Eurodif et exploité par la société de travail aérien Monomax, assuré auprès de la société AGF ». Le sinistre avait provoqué la mort du pilote et de ses sept passagers.
La Cour d'appel de Versailles avait écarté la faute inexcusable du pilote et limité l'indemnisation accordée aux familles des victimes ainsi que celle pour la CPAM des Hauts-de-Seine. La société d'assurance AGF s'était pourvue en cassation.
C'est cependant sur le pourvoi incident des parties défenderesses que la Cour de cassation a censuré l'arrêt attaqué. Selon la Haute Juridiction, constitue une faute inexcusable du pilote, son manque de rigueur et son défaut de maîtrise conjugé au fait qu'il n'avait pas agi avec « témérité ni pris un risque sachant le dommage certain, tout en constatant » qu'il « avait enfreint la réglementation en choisissant une approche à vue et en omettant d'effectuer une manœuvre de sauvetage bien qu'il en fût encore temps, en refusant de remettre les gaz pour reprendre de la hauteur et se présenter vent arrière, en effectuant le dernier virage à grande inclinaison avec une masse maximale alors qu'il ne disposait d'aucune assistance aux commandes ».
À la Cour de cassation de conclure qu'il résultait des constatations relevées par la Cour d'appel de Versailles que « la faute commise par le pilote impliquait objectivement la conscience de la probabilité du dommage de sorte qu’elle revêtait un caractère inexcusable ».
L'arrêt a donc été cassé et l'affaire renvoyée devant cette même cour d'appel autrement composée.
La seconde affaire
Toujours sur le même principe de l'implication objective de la conscience « de la probabilité du dommage », c'est un arrêt jugé par la Cour d'appel d'Orléans qui a subi les foudres de la première chambre civile de la Cour de cassation.
Cette affaire a pris sa source à la suite d'un attérissable forcé d'un vol privé qui, fort heureusement, n'avait que blessé ses passagers. Ces derniers avaient donc poursuivi l'association propriétaire de l'aéronef aux fins d'indemnisation.
Le juge d'appel avait écarté toute faute excusable du pilote, tout en estimant que « la faute commise et reconnue consistait à avoir alimenté l’appareil sur un réservoir jusqu’à épuisement du carburant consommable conduisant à l’arrêt du moteur malgré le basculement au dernier moment sur un réservoir plein, qu’il s’agissait d’une faute grave pour un pilote expérimenté qui ne devait pas faire cette opération, en dépit des préoccupations liées aux difficultés du vol (conditions météorologiques dégradées et modification du trajet) et qu’il n’était pas démontré que le pilote ait délibérément retardé le basculement du réservoir au dernier moment par exemple en surestimant les performances mécaniques de l’appareil ou sa propre capacité à se sortir d’une situation difficile ».
La Cour de Cassation a donc censuré la position prise par la Cour d'Orléans malgré les faits constatés par cette dernière en vertu du principe sus-rappelé.
L'arrêt a été aussi cassé et l'affaire renvoyée devant cette même cour d'appel autrement composée.
La conscience de probabilité du dommage
La Cour de cassation pose aussi un principe général de la faute inexcusable. Ainsi, constitue une telle faute, les agissements fautifs d'une personne qui « impliquait objectivement la conscience de la probabilité du dommage de sorte qu’elle revêtait un caractère inexcusable ».
Une telle faute existe aussi dans le droit positif, notamment en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail au sein d'une entreprise ou d'une administration. Ainsi, le fait pour une administration, ou pour une entreprise d'omettre de faire cesser un « danger grave et imminent » pour la santé ou la sécurité des personnes, constitue une faute inexcusable.
Sources
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- ((fr)) – « Arrêt n° 1070 du 2 octobre 2007 ». Cour de cassation, 4 octobre 2007.
- ((fr)) – « Arrêt n° 1069 du 2 octobre 2007 ». Cour de cassation, 4 octobre 2007.
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