Crise de l'Euroland : « Nous vivons des moments vraiment dramatiques », selon Jean-Claude Trichet

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Jean-Claude Trichet au Forum économique mondial de Davos, en 2010

Publié le 15 mai 2010
Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, interviewé par l'hebdomadaire allemand Der Spiegel (à paraître lundi), a déclaré que l'économie mondiale et les marchés avaient vécu et vivent encore « des moments vraiment dramatiques », ajoutant que la situation économique actuelle est actuellement « la plus difficile depuis la Seconde Guerre mondiale, voire depuis la Première ». M. Trichet s'est montré toutefois relativement optimiste pour l'Union européenne, malgré la crise grecque, en soulignant que, selon lui, l'euro n'est pas menacé par la spéculation. Mais il a estimé que des réformes étaient nécessaires. Enfin, le président de la BCE a tenu à rassurer les élites économiques et politiques allemandes, circonspectes après le rachat, lundi 10 mai, de dettes publiques d'État par l'organe européen de régulation monétaire[1].

Un contrôle budgétaire accru

Malgré cette intervention remarquée de la BCE en début de semaine et la chute actuelle de l'euro face au dollar, Jean-Claude Trichet a assuré que la monnaie européenne n'était pas menacée d'instabilité et ne subira aucune menace spéculative. Surtout, il estime que la BCE ne peut pas tout — d'autant qu'il a réaffirmé l'indépendance, à l'égard des organes politiques, de son institution —, et que la sortie de crise passe avant tout par l'action des gouvernements européens pour réduire la dette publique. Selon lui, il est impératif que les États de l'UE s'efforcent de tendre leurs budgets vers l'équilibre, et prennent à cet effet des réformes structurelles. Pour les aider, M. Trichet a rappelé l'existence du Pacte de stabilité, trop souvent malmené ces dernières années, qui impose en principe aux membres de l'Union européenne des limites à ne pas dépasser en matière budgétaire : 3 % du Produit intérieur brut (PIB) pour les déficits publics ; 60 % du PIB pour la dette publique.

En effet, l'ancien président de la Banque de France estime qu'une meilleure discipline budgétaire est le rempart idéal contre la spéculation et l'affaiblissement de l'euro, et réclame par conséquent « de profonds changements » afin de garantir le respect du Pacte de stabilité, avec la mise en place de véritables mesures de prévention et de sanction visant à empêcher tout dérapage des budgets étatiques. Pour mémoire, la crise actuelle en Grèce est due à une attaque spéculative motivée par des comptes publics largement déficitaires et, de surcroît, insincères[2].

Rachat de dettes publiques

En attente de l'application par les gouvernements européens de ces préconisations, la BCE a décidé, lundi dernier, de procéder aux rachats de dettes publiques européennes, et ce à grande ampleur (à hauteur de 30 milliards d'euros). L'objectif est évidemment de réduire ces dettes, mais également d'apporter à ce sujet des garanties aux marchés inquiets et d'empêcher ainsi une propagation de défiance semblable à la crise financière de 2008, consécutivement à la chute de la banque Lehman Brothers (il n'a pas échappé à la BCE, par exemple, que les banques commençaient à appréhender l'octroi de prêts entre elles).

Cette décision, peu conforme à la politique orthodoxe habituellement appliquée par l'institution financière, et qualifiée « d'utilisation de l'arme nucléaire » par plusieurs économistes, a en conséquence été globalement saluée en Europe, à la notable exception de l'Allemagne, traditionnellement attachée à l'orthodoxie monétaire et budgétaire. L'ancien président de la Banque centrale allemande, Helmut Schlesinger, a notamment fait part de son scepticisme et mentionné des « risques considérables ». Une opinion partagée par la plupart des élites politiques, économiques et financières du pays, à l'image de la Chancelière fédérale Angela Merkel. C'est d'ailleurs pour cette raison que Jean-Claude Trichet a choisi le Spiegel pour s'exprimer, et s'est attaché à rassurer l'Allemagne, assurant que la décision prise par son institution était nécessaire (il a évoqué une « détérioration brutale, brusque et de façon extensive » de la situation) et évaluée, et certifiant que la BCE ne prenait pas modèle sur la FED[3] américaine, et ne s'engagera donc pas sur la voie de « l'assouplissement quantitatif ». Par là, M. Trichet souligne que la BCE en restera au rachat de dettes, et ne mènera pas une politique de création monétaire.

Notes

Voir aussi

Sources