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Guillaume Seznec restera coupable aux yeux de la justice française

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Publié le 15 décembre 2006
La Cour de révision a rejeté, le 14 décembre, le recours en révision de ce qu'on appelle l'affaire Seznec. Cet ultime recours avait été déposé par le Garde des Sceaux en personne, et appuyé par l'avocat général convaincu, pour sa part, de l'innocence de l'intéressé.

La justice française persiste et signe. Selon la Cour de cassation, dans un long arrêt d'une quarantaine de pages, « Il n'existe aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Guillaume Seznec. ». La Cour en est venue à cette conclusion après avoir réfuté tous les moyens soulevés par les requérants. En outre, sur l'intervention d'un dénommé Boudjema Gherdi, la Cour a estimé que « l'hypothèse selon laquelle Pierre Bonny et Boudjema Gherdi auraient entretenu de quelconques relations à l'époque des faits, ou à une époque ultérieure, n'est pas vérifiée ». La Cour a considéré l'intégralité des argumentations comme « dépourvues de pertinence », les témoignages comme « dépourvus de toute portée révisionnelle », « indirects », « rapportés », « longtemps différés » voire « dénaturés », et les hypothèses « pas vérifiées. »

Grand'chambre de la Cour de cassation. Dessin de L. Sabattier (1899).

C'est un coup très rude pour Denis Le Her-Seznec, petit-fils de l'ancien forçat. C'est dans une ambiance survoltée qu'il a exprimé en des termes particulièrement durs son désarroi : « Avec son bandeau sur les yeux, la justice était aveugle. Depuis l'affaire d'Outreau, elle est devenue sourde. Avec l'affaire Seznec, elle est devenue folle. Honte à elle ! Les juges avaient une occasion unique de se racheter. C'est raté. » Des épithètes peu flatteuses envers la justice française ont été chuchotées de part et d'autre dans les couloirs du Palais.

Peu avant, il avait lancé après l'énoncé de l'arrêt : « C'est honteux, ce que vous faites ! ». Réplique du président Cotte : « Vous avez le droit de maudire vos juges, pas de les insulter. », relate Le Figaro. Cependant, Ouest France rapporte une autre version : « Monsieur, vous avez le droit de maudire vos juges, mais respectez cette enceinte. »

Les avocats du petit-fils de Guillaume Seznec ont annoncé qu'ils saisiront la Cour européenne des Droits de l'Homme[1] (CEDH). L'intéressé a déclaré au Nouvel Observateur « qu'à sa connaissance “le débat final au sein de la cour de révision avait été extrêmement houleux, nécessitant pas moins de trois réunions avant le vote”. »


Les réactions dans la presse

La presse se fait écho de cette affaire. Mais de vives critiques vis à vis de la justice française viennent de la Suisse. Par la plume de Jean-Noël Cuénod, La Tribune de Genève titre un premier article « La justice inflige au dossier Seznec son ultime coup de poignard. » Dans son éditorial, le même auteur, écrit : « La justice demeure incorrigible ! Le refus signifié par la Cour de révision à Paris d'annuler la condamnation de Guillaume Seznec confirme cette tendance lourde. » puis d'ajouter : « Pour révoltante qu'elle apparaisse, cette position obéit à une certaine logique: sauvegarder vaille que vaille “l'autorité de la chose jugée”. » Il explique que dans ce type de procédure, la charge de la preuve est inversée. C'est au prévenu d'établir son innocence. Mais, « concernant Seznec, comment prouver qu'il est innocent d'un meurtre dont on ne sait même pas s'il a été commis ? Comment découvrir la preuve de l'innocence alors qu'il n'y a aucune preuve de culpabilité ? La procédure en révision est, en elle-même, perverse à cet égard. Elle contraint celui qui demande la révision à démontrer l'impossible ! », s'interroge toujours Jean-Noël Cuénod.


Des personnalités réagissent

Marylise Lebranchu, ancienne Garde des Sceaux, laquelle avait lancé la procédure en question a réagi. « C'est une déception à titre personnel. Je croyais honnêtement que Denis Seznec aurait gain de cause, même si j'admets qu'en droit pur, la conviction est contestable en Cour de cassation. Quant à Denis Seznec, il faut qu'il se dise, aujourd'hui, malgré une déception énorme, qu'il n'a pas perdu le combat de sa vie. Il faut qu'il étudie toutes les voies de recours. »

Maître Jean-Denis Bredin, un des avocats de la famille Seznec, a notamment affirmé que « Ce n'est pas un arrêt de justice qui a été prononcé, c'est un réquisitoire. Tous les faits qui risquaient de provoquer la révision ont été passés sous silence. La Cour de cassation ne veut pas qu'il y ait des requêtes en révision. En fait, le doute, pour elle, est un élément de culpabilité. »

Pascal Clément, en sa qualité de Garde des Sceaux, a, quant à lui, pris « acte » de la décision puis salué le courage de Denis Seznec.

Le maire de Plomodiern, lieu où a vécu Guillaume Seznec, a été lui aussi déçu par cette décision de justice et regrette qu'une rue Seznec ne puisse jamais voir le jour.


Le droit en matière de révision

Les conditions de la révision d'une décision définitive condamnant une personne pour un crime ou un délit sont instituées par les articles 622 et suivants du code de procédure pénale. Dans la présente espèce, il s'agit du cas prévu au 4° de l'article 622 où, après « une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. »

Notes

  1. Certains médias évoquent à tort la « Cour européenne de Justice », nom d'usage courant de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), bien que celle-ci n'ait absolument aucune compétence en matière d'appréciation de la conformité d'une procédure pénale à la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Voir aussi

Sources

  • ((fr)) – Cyrille Louis« La justice refuse d'innocenter Seznec ». Le Figaro, 15 décembre 2006.