Utilisateur:Ilaï/Les héros de Verdun : Le colonel Driant

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Les héros de Verdun : Le colonel Driant.

La grande bataille de Verdun est entrée dans l’Histoire comme le plus féroce, le plus effroyable et le plus sanglant affrontement de la guerre de 1914-1918. Débuté le 21 février 1916, elle se termine le 18 décembre de la même année par une victoire française arrachée par l’acharnement et le sacrifice de milliers de soldats. Le colonel Driant était l’un d’eux. Il est le premier grand héros de Verdun dont la mort a suscité l’attention et l’émotion du peuple français. Alors que la bataille de Verdun venait à peine de débuter, le colonel Driant et ses chasseurs tombent au bois des Caures le 22 février 1916, après une lutte et une résistance acharnée de deux jours contre trois corps d’armée du Kronprinz. Cette défense du bois des Caures est considérée comme l’un des plus magnifiques faits d’arme de la bataille. Emile Driant est né en 1855. Sa carrière militaire commence le 22 octobre 1875 lorsqu’il entre à Saint-Cyr dont il sort 4e de sa promotion. Il connaît ensuite une carrière aussi fulgurante que remarquable : nommé sous-lieutenant le 1er octobre 1877, il est ensuite promu lieutenant le 25 mars 1883, capitaine le 8 juillet 1886 puis chef de bataillon le 9 octobre 1896. Entre 1905 et 1906, il fait valoir son droit à la retraite et quitte le service. Au cours de sa carrière, il a participé a trois reprises à la campagne de Tunisie : du 1er mai 1883 au 6 janvier 1886, du 23 janvier 1888 au 28 octobre 1892 et du 12 novembre 1996 au 12 février 1899. Driant profite de sa retraite pour s’impliquer dans la vie littéraire et politique française, engagement qui s’intensifie dès 1910 lorsqu’il est élu député du 3e district de Nancy. Il n’en oublie pas pour autant ses précédents engagements et devient membre de la Commission de l’Armée. Le 1er août 1914, le chef de bataillon Driant, alors âgé de 59 ans, demande à reprendre du service à quelques jours de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France (qui je le rappelle à lieu le 3 août 1914). Il est promu lieutenant-colonel le 30 mai 1915 et est chargé du secteur du bois des Caures et des 1200 soldats qui y ont été détaché. Dès avril 1915, il s’emploie à combattre la répugnance de ses unités d’infanterie à creuser des tranchées malgré les ordres d’organisation défensive transmis par ses supérieurs : travaux de sécurité, de commodité et d’aménagement. Cette organisation du terrain lui paraît primordiale et il s’efforce de démontrer à ses bataillons que la nécessité de manier la pelle et la pioche s’impose, et que l’honneur militaire commande aussi bien d’organiser activement les positions occupées que de marcher à l’assaut, sans regarder en arrière, lorsque l’ordre en est donné. De même, il insiste auprès de ces hommes sur le rôle de la première ligne. Il applique le principe que la résistance à outrance d’une tranchée ne souffre pas d’exception. Même si les défenseurs se croient tournés (terme militaire signifiant encercler), leur devoir exige qu’ils continuent à s’y défendre, et cela dans leur propre intérêt, car reculer à travers bois en lâchant son poste, c’est tomber sous le feu de la ligne de soutient. Il écrit le 29 avril 1915 : « Le rôle de la première ligne de soutient est donc simple : tenir quand même, tenir coûte que coûte, en attendant que la contre-attaque vienne la délivrer. » Très occupés par ses devoirs militaires, le colonel Driant n’en oublie pas pour autant ses fonctions législatives et fait une proposition de loi, dont l’idée vient d’une veuve d’un colonel, qui consiste à donner la gratuité de la Flèche (école militaire) à tous les fils d’officiers tués à l’ennemis. Il pense que ce n’est pas après la guerre mais pendant qu’il faut arracher de telles décisions aux Chambres. Il écrit : « Dans la joie de la victoire, on ne songera plus guère aux morts. » (avril 1915). Le 22 août 1915, il écrit à son ami Paul Deschanel, député d’Eure et Loire depuis 1885 et Président de la Chambre des députés (futur président de la République de février à septembre 1920) pour lui faire part de son inquiétude sur le manque de travailleurs, de fils de fer barbelés et d’outils, et pour lui demander d’alerter les ministres à ce sujet. « Si par la voie hiérarchique, on me répond que je me trompe, que tout est près, que tout va bien, on se trompe, on ne sait pas. »

Le colonel Driant est donc un homme connu, apprécié, brave et très occupé, toujours à l’écoute de ses soldats dont il a su se faire aimer. Ceux-ci ne tardent d’ailleurs pas à être connu sous le nom : « les chasseurs de Driant ». Ces chasseurs se composent de deux bataillons différents de réservistes : le 56e et le 59e. Les journées du 21 et du 22 février 1916 sont marquées par un bombardement sans précédent sur le front de la Meuse à la Woëvre, et par de violents combats au bois d’Haumont, à l’Herbebois et au bois des Caures. Dans ce secteur, l’ennemi est maître de toute la partie sud du bois Carré, et les défenseurs de la lisière nord sont pris à revers. Le colonel Driant est dans le bois et visite ses postes, félicitant ses lieutenants pour leur bonne conduite malgré une situation alarmante : les chasseurs sont sérieusement menacés de front et sur leurs deux flancs, et les Allemands ont des effectifs énormes : trois corps d’armée. Le 22 février, la lutte continue sous la neige ; alors que les Allemands lancent une offensive contre le bois des Caures, les trois compagnies françaises de première ligne meurent à leur poste. Les munitions s’épuisent, ce sont surtout les grenades qui sont utilisées car la plupart des fusils ne fonctionnent plus, et l’ennemi s’infiltre entre les ouvrages sans qu’ils puissent les stopper. Les soldats livrent alors de furieux combats au corps à corps, à coup de baïonnettes, de crosses, de pelles, de pioches, et de tout ce qui leur tombe sous la main. L’ordre de battre en retraite sur le village de Beaumont est donné, voyant que la défaite est inévitable. Le colonel Driant constitue alors quatre colonnes de ce qui reste des bataillons, à la tête desquelles se placent le commandant Renouard, le capitaine Vincent, le capitaine Hamel et le colonel Driant lui-même. Sous le feu des mitrailleuses ennemies, cette progression qui se fait de trou d’obus en trou d’obus, décime les chasseurs. Seule la colonne menée par le capitaine Hamel parviendra presque intacte à Douaumont ; 110 combattants sur les 1200. C’est à cette occasion que le colonel Driant trouve la mort. Un de ses chasseurs raconte : « Je venais de me laisser tomber dans un trou d’obus lorsqu’un sergent qui accompagnait le colonel Driant et le précédait d’un pas ou deux se laissa tomber dans le même trou que moi. […] Après l’avoir vu sauter dans le trou, j’ai vu nettement le colonel Driant sur le rebord même de ce trou d’obus faire le geste d’étendre le bras en disant « Oh ! là, mon Dieu ! » puis faire un demi-tour sur lui-même et s’affaisser en arrière, face au bois. » (Jules Hacquin) Le colonel n’en est pas pour autant abandonné par ses hommes qui tentent de le ramener dans leur trou d’obus mais sont faits prisonniers quelques minutes plus tard. Le colonel ne donne plus de signe de vie, mort au champ d’honneur.