Quand les députés russes réinventent le vote par boîtier
Publié le 26 mai 2010
C'est le nouveau buzz sur Internet : des députés russes courent dans les travées pour voter en lieu et place de leurs collègues absents. Dans un article intitulé « Vote : les députés russes deviennent la risée du pays », Le Figaro raille ces élus de la Douma. Le vote en question portait sur l'interdiction de l'alcool au volant, un projet de loi défendu par le président Dmitri Medvedev, et adopté à l'unanimité.
Aussi, 88 élus ont couru entre les travées pour voter pour 449 élus, sur un total de 450 dans les 20 secondes que durait le scrutin. Diffusée sur YouTube, la vidéo a déjà été visionnée 187 000 fois. Cet épisode a provoqué la réaction d'un responsable du parti de la majorité, Sergueï Neverov : « Il faut mettre un terme à ce scandale, lorsque dans la salle une partie des députés sont absents ! La Douma doit se débarrasser des députés sécheurs […] Nous allons nous adresser au président pour préparer des amendements à la législation qui mettront en place des sanctions sévères, allant d'une rétention sur le salaire à une exclusion, contre les députés ne venant pas aux sessions plénières ».
L'amnésie des médias français
- Le règlement de l'Assemblée nationale
Le non-respect du vote personnel du député est sanctionné par l'article 77-1. Ce texte dispose :
« 1. La fraude dans les scrutins, notamment en ce qui concerne le caractère personnel du vote, entraîne la privation, pendant un mois, du quart de l'indemnité visée à l'article 76. En cas de récidive pendant la même session, cette durée est portée à six mois.
2. Le Bureau décide de l'application de l'alinéa précédent sur proposition des secrétaires ».
L'ironie des médias français semble, néanmoins, déplacée. Elle est, de surcroît, frappée d'amnésie alors que les parlementaires français étaient les champions toutes catégories dans cet exercice. Naguère, le système du boîtier a régi la vie du Parlement de la Troisième à la Cinquième République. Jusqu'à la fin du siècle dernier, bien que la Constitution française l'interdise, ce type de vote était systématique[1]. La télévision hexagonale a, à maintes reprises, diffusé des images où deux ou trois députés tournaient les clefs des pupitres de leur 577 collègues non présents dans l'hémicycle. Cette pratique avait été dénoncée par Michel Debré, l'un des pères de l'actuelle Constitution française[2]. Un épisode comique s'était déroulé sous la septième législature (1986-1988). Pendant qu'une élue de la majorité RPR-UDF tournait les 300 clefs pour les collègues de son groupe, les députés du Front national s'étaient amusés à repasser dernière elle pour changer le sens du vote. Celle-ci était obligée de revenir d'une travée à l'autre pour tenter de corriger le vote. En vain : une centaine de votes n'avait pu être rectifiée. Ceci avait suscité un émoi dans le monde politique, assimilant cet incident à « l'incendie du Reichtag ». De son côté, Jean-Marie Le Pen avait justifié les agissements de son groupe en raison du refus, par le bureau de l'Assemblée, d'appliquer le règlement dans ce domaine.
- ↑ En 1995, Philippe Séguin, alors président de l'Assemblée nationale, avait imposé un nouveau système de vote électronique imposant le vote personnel aux députés, non sans réticences de la part de ses amis politiques.
- ↑ À savoir la Constitution du 4 octobre 1958.
Sources
- ((fr)) – Pauline Fréour, « Vote : les députés russes deviennent la risée du pays ». Le Figaro, 26 mai 2010.
- ((fr)) – Pauline Fréour pour Le Figaro, « Vote : les députés russes deviennent la risée du pays ». Yahoo! News, 26 mai 2010.