France : une tentative d'attentat déjouée dans l'Hérault

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Publié le 16 février 2017
Une tentative d'attentat a été déjouée ce vendredi 10 février dans la région de Montpellier, dans l'Hérault (France).

Attentat imminent

Un « coup de filet » antiterroriste « a permis de déjouer un projet d'attentat imminent sur le sol français », selon un communiqué du ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, qui ajoute que l'opération policière a permis « l'interpellation de quatre individus, dont trois directement suspectés de préparer une action violente sur notre territoire », à Montpellier, Clapiers et Marseillan. Une source proche du dossier ajoute que « [les] enquêteurs pensent qu'un passage à l'acte était prévu mais on ne sait pas où et comment », même si les enquêteurs pensent que les suspects voulaient frapper Paris.

Trois suspects et une personne relâchée

Il s'agit de deux hommes, Thomas Sauret, 20 ans, et Malik Hammami, 33 ans, connus des services de renseignement, et d'une adolescente de 16 ans nommée Sarah, compagne de Thomas Sauret. Un homme de 26 ans, présent au moment de l'opération dans l'appartement de Clapiers où ont été arrêtés les trois suspects, avait lui aussi été arrêté, mais finalement mis hors de cause samedi, selon Le Parisien.

Garde à vue des suspects puis mises en examen

Transférés samedi en garde à vue dans les locaux de la SDAT à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, puis mardi au palais de justice à Paris après avoir vu leur garde à vue prolongée, les trois suspects ont été mis en examen mardi soir pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle » et également, concernant Thomas Sauret et sa compagne, pour « fabrication et détention d’explosifs en bande organisée »; ils ont ensuite été placés en détention provisoire, selon ce qu'a confié une source judiciaire à l’Agence France-Presse. Une information judiciaire a été ouverte.

Du matériel explosif découvert

Les perquisitions ont permis de répertorier 71 grammes de TATP, explosif artisanal puissant et très instable, des notes manuscrites pour en fabriquer ainsi que les composants et le matériel nécessaire (acétone, eau oxygénée, acide sulfurique, seringues et gants de protection). L'explosif avait été confectionné jeudi même et le matériel était stocké principalement sur le balcon.

Identification des suspects

Les suspects ont pu être identifiés du fait de leur activisme sur les réseaux sociaux, en particulier sur Telegram, messagerie cryptée très prisée des djihadistes, notamment de Rachid Kassim, français ayant certainement téléguidé plusieurs attentats en France et probablement mort en Irak ces derniers jours dans un bombardement de la coalition contre l'État islamique (EI).

Le 9 février, ils ont été vus en train de se procurer de l’acétone et de l’eau oxygénée, ce qui a accéléré l'enquête qui avait été ouverte le 2 février.
De plus, la veille, 8 février, l'adolescente, convertie à l'islam, avait diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle elle prêtait allégeance à l'EI, ce qui a déterminé les services antiterroristes à agir rapidement.
Un de ses contacts était d'ailleurs un des « objectifs » de la DGSI, identifié fin 2015 alors qu'il semblait vouloir se rendre en Irak et Syrie, et surveillé depuis.

Cibles potentielles

« Il y avait bien un acte terroriste imminent qui se préparait » et « sur lequel nous essayons de faire toute la lumière », ajoute Bruno Le Roux. Une source proche de l'enquête affirme que l'exploitation du matériel informatique et téléphonique saisi laisserait penser que des cibles potentielles, dont la Tour Eiffel, avaient été choisies, tout en ajoutant qu'« aucun élément ne montre à ce stade une préparation sur une cible clairement définie ».

Les suspects

Thomas Sauret, né en 1996, originaire des Ardennes, converti à l'islam, sans emploi (il l'a perdu il y a dix mois) et en conflit avec sa famille, il était venu dans le Gard pour suivre une formation. Il avait été assigné à résidence chez son père de décembre 2015 à décembre 2016 dans le cadre de l'état d'urgence instauré depuis novembre 2015, après une tentative de départ en Irak et Syrie.
« Il nous avait raconté qu'il s'était fait arrêter à l'aéroport [d'Orly], qu'il était fiché S », selon ce qu'a confié Rodrigue, ami de Thomas Sauret avant qu'il ne se radicalise, à l'AFP. « J'ai cru que c'était une passade, que l'arrestation ça l'avait calmé. Mais après, il a commencé à être dans son coin, à ne plus voir personne ».
Le jeune homme a rencontré l'adolescente sur les réseaux sociaux et ils souhaitaient depuis se marier religieusement avant de commettre l'attentat. Le jeune homme logeait depuis quelques jours dans l'appartement de Clapiers, prêté par une connaissance, Mohammed. Ce dernier n'était pas au courant du projet : « [je] l'avais laissé ici deux ou trois jours, il devait partir mercredi ou jeudi. Jamais je n'aurais pensé qu'il allait fomenter un attentat chez moi », déclare-t-il, ajoutant qu'« [il] parlait religion mais c'était un peu évasif. ».

Thomas Sauret aurait voulu mourir en kamikaze en France, probablement à Paris, et Sarah aurait dû partir en Irak et Syrie juste avant (ou après) l'attentat, munie d'un passeport qui lui aurait été fourni par Malik, selon les enquêteurs. Mais elle aurait pu aussi frapper la France.

Malik Hammami, connu pour radicalisation, aurait au moins apporté « un soutien » au couple, selon la source proche de l'enquête, qui n'a pas donné plus de précision, mais a ajouté qu'« [aucun] élément à ce stade de l'enquête ne montre que leur projet a été téléguidé depuis la Syrie ».

L'adolescente, fâchée avec son père (c'est d'ailleurs lui qui a signalé sa radicalisation), « qui cherchait un tuteur pour son projet de mariage », est entrée en contact avec Malik Hammami, père de deux enfants en instance de divorce, via Internet, ajoute encore la source proche de l'enquête. Condamné à six reprises notamment pour trafic de stupéfiants et vol avec violences, repéré par les services antiterroristes sur les réseaux sociaux où il postait depuis 2015 des messages violents et extrémistes et déjà mis en examen pour apologie du terrorisme, il a rencontré à plusieurs reprises le couple, pour lequel il aurait fait figure de « mentor ».

Adolescente manipulée, selon sa mère et l'avocat de celle-ci

Pour Thomas de la Morlais, l'avocat de la mère de l'adolescente, « Sarah, qui était scolarisée et voulait poursuivre des études de couture, a été manipulée par son compagnon et par d'autres ». « Après avoir entretenu de nombreux échanges sur Internet, Thomas est venu à Montpellier pour habiter chez la jeune fille, mais la mère de cette dernière a refusé de l'héberger. Il a alors logé dans la cave de l'immeuble », précise-t-il encore à l'AFP. Il loge ensuite à Clapiers. « Je tiens à dire que ma fille est innocente des accusations qu'on lui porte. Il nous a tous manipulés. Il s'est introduit dans notre vie, dans sa vie, et voilà où on en est maintenant. », a confié pour sa part la mère de l'adolescente, pour qui sa fille a été « totalement » manipulée. Sa mère « n'avait pas vu de changement. Elle voyait simplement sa fille qui s'intéressait aux religions de façon générale. Mais elle n'a évidemment pas vu la bascule. Ça a été une surprise intégrale. Elle n'a rien vu venir. Je vous rappelle que c'est une jeune fille qui vient d'avoir seize ans, c'est une adolescente comme les autres », ajoute encore de la Morlais.

Des individus déterminés

Pour le président du Centre d'analyse du terrorisme, Jean-Charles Brisard, « on est face à des individus déterminés, radicalisés et surtout avec un projet d'attentat très avancé », très organisés. « Il y a d'abord l'allégeance à l'État Islamique. On a aussi des substances explosives en cours de fabrication, notamment du TATP. Ils avaient également un schéma préparatoire déjà élaboré. L'un d'entre eux devait mourir en martyr sur notre territoire tandis que sa compagne devait rejoindre l'État Islamique », détaille-t-il. Un protocole qui, selon Brisard, rappelle celui des attentats de janvier 2015 : « [la] compagne d'Amedy Coulibaly, Hayat Boumedienne, avait elle-même rejoint la Turquie quelques jours seulement avant que son compagnon ne passe à l'acte », précise-t-il.
« L'enquête commence et elle déterminera si ces individus ont été téléguidés d'une façon ou d'une autre depuis le théâtre d'opérations syro-irakien. Plus de la moitié des 17 attentats déjoués en 2016 étaient des projets coordonnées par des djihadistes français depuis l'Irak et la Syrie », continue-t-il, ajoutant qu'« [il] faut donc déterminer le lien opérationnel entre les quatre personnes interpellées et l'État Islamique ».

Opérations de vérification dans les Ardennes

Selon L'Union, deux opérations de « vérification » ont été effectuées vendredi matin chez ses parents, qui sont séparés, à Charleville-Mézières (mère) et aux Hautes-Rivières (père), par la police judiciaire, comme l'a confirmé le procureur de Charleville-Mézières, pour « vérifier si le jeune, à l'occasion d'un récent séjour, n'aurait pas laissé sur place des documents ou des explosifs ». Aucune interpellation n'a eu lieu. « Conformément à la loi, j’ai été avisé d’une intervention sur mon ressort, je vous confirme donc qu’une opération a bien été menée ce matin par le SRPJ de Reims. », a juste indiqué Laurent de Caigny, procureur de Charleville-Mézières.

Niveau de menace terroriste élevé et appel à des initiatives européennes, pour Cazeneuve

« Nous sommes face à un niveau de menace terroriste extrêmement élevé qui nous oblige à chaque instant à prendre toutes les précautions pour assurer la protection de nos concitoyens », a pour sa part déclaré le Premier ministre Bernard Cazeneuve, en déplacement dans la Creuse.

« Je ne veux pas faire de commentaires, c'est au procureur de la République de les faire en fonction des éléments de l'enquête », a-t-il précisé. Il ajoute que cette menace « signifie pour les forces de sécurité intérieures et notamment pour les services de renseignement une activité extrêmement intense », « depuis le début de l'année 2016 (...) plusieurs centaines d'interpellations d'individus qui ont été pour la plupart d'entre eux judiciarisés ». « Soit que ces individus s'apprêtaient à passer à l'acte, soit qu'ils étaient en lien avec des groupes terroristes commanditaires d'actes (...) et que ces acteurs soient situés en France ou sur le théâtre des opérations terroristes », conclut-il.

Il en a enfin appelé à des « initiatives européennes pour renforcer la protection que les institutions européennes doivent aux ressortissants de l'Union », prenant pour exemples « l'interconnexion des fichiers, la mise en place du dispositif entrée-sortie, l'application du PNR (données des dossiers passagers) européen et la réforme du système d'information Schengen ». « Ce sont tous ces sujets qui ont été portés par la France, souvent en liaison avec l'Allemagne, et qui doivent permettre également au plan européen de renforcer notre dispositif de protection contre le terrorisme », termine-t-il.


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