France : la réforme des universités est en marche

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Publié le 28 juillet 2007
L'Assemblée nationale a examiné mercredi soir le projet de loi proposé par la Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, portant sur l'autonomie des universités. Comme on pouvait s'y attendre, la majorité présidentielle (UMP et Nouveau centre) a annoncé son soutien à ce projet, l'opposition de gauche s'y opposant. Le texte a donc été adopté avec plusieurs amendements par un hémicycle relativement bien garni, et devrait passer en commission mixte paritaire (7 Députés, 7 Sénateurs) pour une adoption définitive le 1er août. Rappelons que le Sénat avait adopté la version initialement examinée par l'Assemblée le 12 juillet dernier.

Les points principaux
Le texte présenté concerne essentiellement l'autonomie budgétaire et de gestion des ressources humaines des universités qui devraient être étendues d'ici à 5 ans. De plus, les universités pourront gérer leur propre parc immobilier, ainsi que créer des fondations. Initialement, le projet de loi comportait des dispositions concernant l'introduction d'une « sélection » pour l'accès en master 1 (quatrième année), dispositions qui furent abandonnées sous la pression des syndicats étudiants - ce qui de fait se produit soit à l'entrée de cette année, soit est repoussée à la suivante (la cinquième année correspondant aux anciens DEA et DESS). Le texte prévoit aussi des mesures visant à améliorer la gouvernance des universités : le conseil d'administration devrait ainsi passer d'une soixantaine de membres à une trentaine, comprenant 7 ou 8 personnalités extérieures. Ce conseil élira un président pour 4 ans, dont le mandat sera renouvelable une fois. De plus, le champ de compétences (et donc l'autorité) du président sera élargi : outre les pouvoirs dont il disposait précédemment, il disposera d'un droit de véto sur les affectations, pourra faire embaucher des contractuels et aura autorité sur la gestion des primes des personnels. Cette souplesse de recrutement devrait permettre, entre autres, de faciliter le recrutement d’universitaires français ou étrangers (professeurs associés, en quelque sorte). Cependant, l'accroissement des pouvoirs du président sera encadrée par deux sécurités : d'une part un comité technique paritaire sera consulté sur la « la politique de gestion des ressources humaines de l’établissement », et d'autre part, les seuils maximaux du budget et de la masse salariale servant au recrutement de ces contractuels seront planifiés dans un contrat pluriannuel d'établissement.
Un autre point fort du texte est la modification de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, jusque-là gérée par un concours (on pourra se reporter au site internet dédié du Ministère). L'université sera aussi chargée d'une mission d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants qu'elle forme, avec la création d'un bureau dédié à cette activité. En effet, jusqu'à présent, peu d'établissements allaient au-delà d'une simple journée de rencontre avec des employeurs potentiels.

Les Députés sont revenus sur plusieurs amendements qu'avaient produits les Sénateurs, lors de l'examen du texte au Palais du Luxembourg le 12 juillet dernier, concernant la gouvernance des facultés. Ainsi, le premier point important a été la suppression de l'ouverture du scrutin d'élection du président de l'université à des personnalités extérieures. Cette restriction s'est doublée d'une autre : le président d'une université ne pourra être choisi que parmi les enseignants-chercheurs (amendement déposé par Claude Goasguen (majorité présidentielle) et adopté à l'unanimité, contre l'avis de la Ministre). Cependant, en fin de scéance, Valérie Pécresse a demandé et obtenu qu'une seconde délibération soit effectuée sur ce point, ce qui a permis d'élargir les qualifications pour postuler aux « professeurs et maîtres de conférences, associés ou invités, ou tous personnels universitaires assimilés, français ou étrangers ». Les députés ont maintenu également un droit de regard de l'État dans la création des UFR (unité de formation et de recherche) qui est maintenant du ressort des universités.
Les députés ont également rejeté un autre amendement déposé par la gauche et quelques députés UMP visant à l'intégration des cursus des professions paramédicales et sage-femmes dans le système universitaire LMD (Licence, master, doctorat), vieux contentieux à l'origine de mouvements de protestation des élèves de ces métiers dont la formation n'est pas effectuée au sein de l'université, contrairement aux formations médicales ou pharmaceutiques. Cependant, le Gouvernement a annoncé que ce point serait traité, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, devant ouvrir dès septembre une concertation sur ce sujet.

Quelques réactions

Du côté des hommes politiques, les réactions ont bien sûr été nombreuses. « Nous sommes hors-sujet. Ce n’est pas un texte sur la liberté des universités mais sur la gouvernance des universités. La volonté et l’engagement financier ne sont pas au rendez-vous », a déclaré Alain Claeys (PS), membre de la commission des affaires culturelles. Il désigne les problèmes qui, selon l'opposition, n'ont pas été abordé dans ce projet de loi : précarité des étudiants, la réforme du premier cycle (licence), le système de recherches qui n’est pas au niveau international et l’emploi des doctorants et des post-doctorants. Le rapporteur du projet de loi, Benoist Apparu (UMP), répond à ces critiques : « C’est tout à fait normal puisque la loi sur l’autonomie des universités n’est qu’une première pierre. (...) Quatre chantiers sur ces questions-là vont s’ouvrir. Le budget 2008 verra l’augmentation du budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche augmenter d’un milliard d’euros, et ce tous les ans pendant cinq ans. Soit 15 milliards d’euros en 2012 ». De manière globale, l'opposition s'est élevée contre « les pouvoirs exorbitants des présidents d'université », en particulier contre des recrutements de contractuels « pour qu'ils ne se substituent pas aux enseignants chercheurs statutaires ». Valérie Pécresse a cependant répondu, au nom du Gouvernement : «  Nous ne voulons pas remplacer l'emploi statutaire, nous voulons de la souplesse (...) ce seront des emplois publics, que nous créons ». Le SNESup (Syndicat national de l'enseignement supérieur) a annoncé être en négociation avec les partis de l'opposition afin de déposer un recours contre ce projet de loi devant le Conseil constitutionnel, laissant présager d'une rentrée universitaire agitée.
Cette réforme suscite des interrogations et des commentaires d'autres types. Ainsi, Christian Margaria, président de la Conférence des grandes écoles, indique pour sa part que si certains points du projet de loi, introduits ou non par le biais des amendements, sont discutables et ne vont sans doute pas assez loin pour être profitables, la réforme des universités est indispensable : « La nécessité de réformer l’Université pour la replacer au niveau qu’elle n’aurait jamais dû quitter est une évidence et les discussions en cours vont toujours dans le bon sens. Nous regrettons cependant la disparition de certaines dispositions du premier projet, et notamment celle qui limitait le conseil d’administration à vingt personnes, dont sept représentants du monde civil. Une disposition propre à faciliter l’employabilité des diplômés ». La CGE considère que le système français de double voie (universitaire et grandes écoles) est un atout, en particulier sur la possibilité d'émulation réciproque : « Nous soutenons totalement l’idée d’une Université française plus forte. Notre pays a la chance d’avoir deux filières d’enseignement supérieur complémentaires. Tout effort pour replacer l’Université au plus haut niveau est donc bienvenu. Et jamais cela ne nuira aux grandes écoles. Bien au contraire, tout le champ de l’enseignement supérieur français en profitera. » D'autres questions se posent aussi, comme la prise en compte des particularismes locaux de certaines universités, et en particulier pour l’université des Antilles et de la Guyane, qui ont à faire avec un contexte tout à fait différent de celui des universités métropolitaines : le tissu économique ne possèdent quasiment pas de gros investisseurs potentiels, et, d'un autre point de vue, les risques géographiques sont totalement différents (volcanisme et météorologiques). Le Gouvernement devrait cependant tenir compte de cet état pour proposer des régimes spéciaux (comme un conseil d'administration de 45 membres au lieu de 30, par exemple), un traitement qui devrait se faire par ordonnances.

Sources