Défense antiaérienne russe : problèmes et explications
Publié le 22 juin 2009
En début de semaine, certains médias ont publié une déclaration du général d'armée Anatoli Kornoukov, ex-commandant en chef de l'Armée de l'Air et de la Défense antiaérienne de la Russie, dans laquelle ce militaire de haut rang affirme que le système de défense antimissile de Moscou est incapable de remplir pleinement ses fonctions. Les forces de défense antiaérienne russes ne disposent pas, selon lui, de moyens d'interception des missiles balistiques opérationnels tactiques, qui représentent aujourd'hui l'une des principales menaces pour les pays développés.
Comme toute information de ce genre, la déclaration du général est partiellement vraie, mais elle ne peut prétendre donner une image vraiment exacte de la situation. Le système antimissile moderne de Moscou, l'A-135, a été créé dans les années 70-90 du siècle dernier en vue de protéger la capitale de l'URSS d'une attaque nucléaire massive.
Ce système devait disposer de deux types de missiles intercepteurs. Le premier, le 51T6 (Gorgon, selon l'appellation de l'OTAN), était destiné à assurer l'interception lointaine (exoatmosphérique), à des altitudes de 80 à 100 km et à une distance de plus de 600 km. Le deuxième type de missiles intercepteurs, le 53T6 (Gazelle, pour les Occidentaux), était chargé d'assurer l'interception proche (endoatmosphérique), à des altitudes d'environ 50 km et des distances allant jusqu'à 350 km.
La construction du système A-135 a été achevée, pour l'essentiel, vers le milieu des années 1980. Plusieurs tests, effectués avec succès au cours de la création du système, ont confirmé la capacité des missiles antimissiles d'intercepter des cibles balistiques, y compris des cibles aussi complexes que les ogives multiples à guidage individuel. Les systèmes de tir A-135 disposant, au total, de 100 missiles sont devenus opérationnels en 1995, après une longue période d'essais et de perfectionnements.
Tous les missiles ont besoin qu'on leur indique leur cible. Les radars et satellites SPRN (systèmes d'alerte en cas d'attaque de missiles) sont devenus un élément important des Troupes de défense balistique spatiale créées en 1967. En l'espace d'une vingtaine d'années, un réseau de stations radars assurant la détection de missiles balistiques provenant de n'importe quelle direction a été créé en URSS. Les satellites SPRN devaient assurer la détection à temps des lancements de missiles et transmettre l'information aux postes de commandement et aux moyens terrestres de détection. L'information provenant des radars SPRN arrive au poste de commandement de la défense balistique spatiale et au radar Don-2N, qui doit guider avec précision les missiles intercepteurs vers les cibles.
Malgré toutes ses possibilités, le système de défense antimissile de Moscou serait incapable de repousser une attaque nucléaire massive. D'ailleurs, aucun pays au monde, y compris les États-Unis, ne dispose d'un tel système. Le maximum de ce que pourrait faire le système de défense antimissile de Moscou serait de riposter à une attaque de puissances nucléaires de « second rang » - France, Grande-Bretagne, Chine - ou de nouveaux adhérents du club nucléaire (Inde, Pakistan). Il serait également en mesure d'intercepter des tirs « accidentels » ou de provocation. Mais il ne pourrait s'acquitter d'une tâche plus complexe, comme repousser une attaque nucléaire massive de la part des États-Unis, car il manque de missiles, surtout après le retrait du service des intercepteurs endoatmosphériques 51T6, arrivés au terme de leur durée de vie.
Selon les spécialistes, le potentiel des missiles 53T6 qui restent en service est suffisant pour détruire des missiles balistiques isolés, qu'ils soient opérationnels ou stratégiques. Cela permet d'espérer que Moscou serait correctement protégée en cas de conflit avec un pays de « second rang » disposant d'un petit nombre de missiles de ce type.
Il convient de signaler que, même avec cette variante de défense antimissile, Moscou est la ville du monde la mieux protégée d'une attaque de missiles.
Cependant, Moscou et ses proches environs ne sont pas l'unique cible potentielle des adversaires éventuels de la Russie. Les systèmes de missiles mobiles de défense antiaérienne S-300 et les missiles ultramodernes S-400 peuvent être utilisés pour intercepter des missiles dans les régions non couvertes par le système A-135.
Les systèmes de missiles S-300V sont spécialement destinés à lutter contre les missiles balistiques de portées courte et intermédiaire. Les systèmes de la série S-300P, optimisés pour lutter contre les cibles aérodynamiques, peuvent également être utilisés pour intercepter des missiles balistiques, mais avec moins de succès.
Le système S-400, dont le déploiement a commencé en 2007, réunit les possibilités des deux versions de S-300. Le missile de longue portée 40H6E serait capable quant à lui, affirment certaines sources, de détruire, si nécessaire, les ogives de missiles balistiques intercontinentaux.
Les forces aériennes et de défense antiaérienne de la Russie disposent actuellement de deux divisions de systèmes de missiles de défense antiaérienne S-400, dont les performances sont supérieures à celles du prometteur système antimissiles américain THAAD, dont le déploiement doit débuter cette année. Dans les prochaines années, il est prévu d'accélérer les cadences de développement du S-400. D'ici à 2015, les forces de défense antiaérienne doivent recevoir 23 divisions de S-400 et, à terme, ce nouveau système doit équiper tous les régiments des troupes de missiles de défense antiaérienne dotés actuellement de systèmes de missiles S-300.
Cependant, il ne faut pas oublier que le meilleur moyen de défense antiaérienne et antimissile est de détruire les moyens de l'adversaire avant que celui-ci ne les utilise. Par conséquent, le problème de la protection de Moscou et de toute la Russie d'une éventuelle attaque de missiles doit être examiné en liaison avec celui de la capacité de combat des Forces armées dans leur ensemble et, avant tout, des forces qui disposent d'armes capables de frapper l'adversaire à une grande distance et de façon très précise : les Troupes balistiques stratégiques, l'Armée de l'Air, la Marine de Guerre.
« Défense antiaérienne russe : problèmes et explications » datée du 18 juin 2009.
Sources
- ((fr)) – Ilia Kramnik, « Défense antiaérienne russe : problèmes et explications ». RIA Novosti, 18 juin 2009.