Grèce : la fermeture brutale de la radio-télévision publique par les autorités suscite l'indignation
Publié le 12 juin 2013
Le couperet est tombé sur l'audiovisuel public de Grèce. Hier après-midi lors d'une allocution télévisée retransmise par la télévision publique Ellinikí Radiofonía Tileórasi, le porte-parole du gouvernement Simos Kedikoglou annonce à la surprise générale la fermeture définitive du groupe audiovisuel à minuit, heure d'Athènes (23 heures UTC). Sur un effectif de 2656 employés dont 680 journalistes, le gouvernement pense réduire ce nombre des deux tiers[1].
Cette décision est officiellement motivée par une mauvaise gestion des finances ainsi que des suspicions de corruption au sein du groupe. ERT, dont le budget s'élevait à environ 300 millions d'euros, constituait selon S. Kedikoglou « un cas d'absence exceptionnel de transparence et de dépenses incroyables » ; en effet, l'ERT « a un coût de fonctionnement entre 3 et 7 fois supérieur à celui d'autres chaînes de télévision et compte de 4 à 6 fois plus de personnel ».
Cependant, certains médias rappellent qu'il pourrait s'agir d'un moyen pour la République Hellénique d'abaisser le nombre de ses fonctionnaires comme promis auprès de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) et des bailleurs de fond du pays, alors que la Grèce connaît une crise économique généralisée.
Au siège de l'ERT, c'est l'indignation qui règne. Tandis que les animateurs déclenchent un dernier direct, des centaines de personnes se rassemblent devant le bâtiment pour protester contre la fermeture, en même temps que les journalistes. Dans les studios de Thessalonique, un intervenant de la troisième chaîne de télévision ne contient que difficilement son agacement face à la caméra.
À l'étranger, de nombreux soutiens à la contestation se font jour, parmi lesquels l'archévêque orthodoxe Hiéronyme II d'Athènes, Nikos Aliagas, ancien journaliste pour EuroNews, joint en direct au téléphone par l'ERT, ou encore l'union européenne de radio-télévision qui, dans un communiqué sur son site officiel, « exhorte le gouvernement grec à revenir sur sa décision ». Jean-Paul Philippot, président de l'UER, demande au Premier Ministre Antónis Samarás « de faire tout ce qui est en son pouvoir pour revenir immédiatement sur cette décision ».
Mais la fermeture de l'ERT prend un tournant autoritaire à 22h30 UTC, lorsque les émetteurs de la radio-télévision publique sont mis hors-service par les forces de police, soit une demi-heure avant l'heure officielle, et ce, sans laisser le temps aux employés restés à l'ERT de fermer l'antenne convenablement. Les flux vidéo officiels des quatre chaînes de télévision sont également interrompus sur le site Internet de l'ERT. Il n'est alors plus possible de recevoir les programmes du groupe.
Commence alors la résistance des journalistes encore présents au siège de la télévision publique. Quelques sites internet, ainsi qu'EuroNews, TVE 24h et une chaîne gérée par le Parti Communiste, parviennent à reprendre sur leurs antennes le direct de l'ERT. Un concert, auquel prend part le chœur de l'ERT ainsi que quelques musiciens et chanteurs, s'organise au pied du bâtiment. Même les principaux canaux privés montrent leur solidarité en cessant à leur tour leurs émissions.
Les réactions se multiplient dans la nuit, certains journalistes considèrent cette coupure comme une volonté idéologique délibérée d'écraser le service public, n'hésitant pas à parler de cette coupure comme un coup d'État digne d'une junte militaire ou de la Roumanie sous N. Ceaușescu. Contactée par France Info, la correspondante grecque à Paris, Thomaïs Papaioannou, dénonce l'incompétence des dirigeants du pays. Alain Vidalies, ministre délégué aux Relations avec le Parlement, se dit inquiet sur l'avenir de la démocratie en Grèce.
Sur le plan politique, alors que la majorité au pouvoir est soutenue dans sa décision par un parti néonazi (toujours selon T. Papaioannou), deux partis de la coalition gouvernante (Dimar et Pasok), ont annoncé qu'ils ne voteraient pas le prochain projet de loi concernant l'audiovisuel public.
À l'heure actuelle, ERT continue toujours ses émissions clandestinement via des flux Internet malgré les menaces de procédures judiciaires à l'encontre des salariés désobéissants. Les syndicats du pays ont décidé d'une grève générale demain jeudi, en signe de protestation face à la fermeture et aux licenciements annoncés. Un défilé de manifestation parcourt les rues d'Athènes. Le gouvernement prévoit de relancer une entreprise de radio-télévision publique « moins coûteuse » baptisée « Nerit » en septembre prochain.
- ↑ Catherine Chatignoux, « La fermeture de la télévision grecque crée une onde de choc ». Les Échos, 13/06/2013, page 9.
Sources
[modifier | modifier le wikicode]- ((fr)) – Catherine Chatignoux, « La fermeture de la télévision grecque crée une onde de choc ». Les Échos, 13/06/2013.
- ((fr)) – Sylvie Johnsson, « Fermeture de la télévision publique grecque : "Non à la dictature" ». France Info, 12/06/2013 à 07h00.
- ((en)) – BBC News, « ERT closure: Greek parties urge change of course ». BBC News, 12/06/2013 à 11h14.
- ((fr)) – LeParisien.fr, « Grèce : la télévision publique fermée, appel à la grève générale jeudi ». 12/06/2013 à 13h55.
- ((fr)) – EuroNews, « Grèce : l’ERT sacrifiée sur l’autel de l’austérité ». EuroNews, 11/06/2013 à 17h18.
- ((fr)) – Smyrnaios.net, « Ert : pourquoi le gouvernement grec veut fermer sa radiotélévision publique ? ». 11/06/2013.
- ((fr)) – Michelle Roverelli, « L'UER exhorte le gouvernement Grec à revenir sur sa décision concernant ERT ». EBU-UER, 11/06/2013.
- ((fr)) – Baptiste Schweitzer, « En Grèce, les télévisions publiques ont cessé d'émettre ». France Info, 11/06/2013 à 22h42.