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États-Unis : George W. Bush annonce les détails de sa nouvelle stratégie en Irak

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Portrait officiel de George W. Bush en 2003

Publié le 11 janvier 2007
George W. Bush, président des États-Unis, a annoncé, mercredi 10 janvier 2007, au cours d'une allocution télévisée, les détails de sa nouvelle stratégie dans la conduite de la guerre en Irak. Tout en reconnaissant des erreurs dans la conduite tenue depuis plus de cinq ans à l'égard de l'Irak et notamment depuis le déclenchement, en 2003, de la guerre qui a conduit au renversement de Saddam Hussein, l'hôte de la Maison Blanche a annoncé l'envoi de plus de 20 000 hommes de troupe pour renforcer le contingent de 132 000 soldats américains déjà présents dans ce pays. Il a également menacé, à mots couverts, l'Iran et la Syrie, pour leur soutien supposé aux terroristes et insurgés qui se serviraient de leurs territoires comme d'une base arrière dans leur lutte contre les troupes américaines en Irak, et appelé les régimes arabes alliés de l'Amérique à soutenir le gouvernement « unitaire » irakien.

Les plans annoncés par George W. Bush ont déclenché une salve de critiques, parfois violentes, dans le camp des démocrates, qui détiennent la majorité dans les deux chambres du nouveau Congrès des États-Unis depuis la rentrée parlementaire du 4 janvier, mais parfois même jusque dans les rangs républicains, dont est issu M. Bush.

Satisfecits et mea culpa

Le président avait commencé son allocution par le rappel de sa précédente intervention sur le sujet, il y a un an, alors que plus de 12 millions d'Irakiens s'étaient récemment rendus aux urnes et, selon lui, avaient manifesté leur choix en faveur d’« une nation unifiée et démocratique ».

M. Bush a ensuite consenti à reconnaître des erreurs dans le gestion des événements. Il a confessé que l'idée d'élections comme ciment de la nation irakienne et d'un bon entraînement des forces de sécurité irakiennes par les forces américaines ne suffisaient pas, et que la perspective de pouvoir accomplir la « mission » avec « peu de troupes » était illusoire.

Il en a fait peser la responsabilité principale sur « les terroristes d'Al-Qaida et les rebelles sunnites » pour la cause desquels, selon ses vues, les élections irakiennes auraient représenté « un danger mortel ». L'attentat perpétré le 22 février 2006 contre la mosquée d'Or de Samarra, haut lieu du chiisme, aurait ensuite servi de prétexte à un enchaînement de représailles et de violences interconfessionnelles.

Durant toute cette période, les troupes américaines auraient accompli tout ce que l'exécutif américain leur demandait de faire, et le président de conclure : « là où des erreurs ont été commises, la responsabilité m'en incombe ».

Le changement de stratégie

George W. Bush a ensuite évoqué la nécessité d'un changement de stratégie, et les longues conversations avec le conseil national de sécurité, les commandants militaires, des diplomates, des membres du Congrès, tant républicains que démocrates, les gouvernements amis des États-Unis, et divers experts de haut niveau.

Il a tenu à citer le groupe d'étude sur l'Irak, commission bipartisane dirigée par l'ancien secrétaire d'État républicain James Baker et Lee Hamilton, ancien représentant démocrate de l'Indiana, en estimant avoir « tiré bénéfice de leurs recommandations » [1].

M. Bush a ensuite estimé que, quels que soient ses interlocuteurs, tout le monde était tombé d'accord sur le constat selon lequel il n'y aurait « pas de formule magique pour assurer le succès en Irak » et qu'un échec dans ce pays serait « un désastre pour les États-Unis », qui renforcerait les extrémistes islamiques radicaux et par lequel l'Iran serait « encouragé dans son désir d'acquisition de l'arme nucléaire ». La région deviendrait alors, selon les vues du président américain, un havre de sécurité à partir duquel les ennemis des États-Unis pourraient « planifier et lancer des attaques contre le peuple américain ».

L'accroissement des troupes

Carte de l'Irak

La partie la plus visible du plan de M. Bush réside dans son volet « humain », avec l'annonce de l'envoi progressif, à partir du 15 janvier, de 21 500 hommes répartis en deux contingents : un premier contingent de 4 500 hommes qui sera déployé dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak, tandis que le gros des troupes, soit 17 500 hommes, au sein de cinq brigades, serait déployé dans la région de Bagdad puisque, selon lui, 80 % des « violences interconfessionnelles » seraient commises dans un rayon de moins de 50 kilomètres autour de la capitale.

M. Bush a ensuite dressé la « feuille de route » des renforts américains à Bagdad, destinés à assurer une présence permanente dans des quartiers où, jusqu'ici, faute de moyens humains suffisants, l'armée américaine et les troupes régulières irakiennes ne faisaient que des incursions temporaires, laissant ensuite le champ libre aux rebelles pour revenir occuper le terrain.

Le président a ensuite mis en garde le Premier ministre irakien, M. Nouri al-Maliki contre tout retard dans la tenue de ses promesses pour assurer la sécurité, notamment en freinant les violences interconfessionnelles, et prévenu que les États-Unis seraient susceptibles de reconsidérer leur soutien au gouvernement irakien, et d'entraîner par la même occasion « la perte du soutien du peuple irakien » à ses gouvernants.

L'hôte de la Maison Blanche n'a pas caché que l'inflexion de sa stratégie en Irak ne devrait pas mettre un terme, dans l'immédiat, au cycle des violences et estime que les ennemis des États-Unis mettront tout en œuvre pour que les journaux télévisés américains soient « remplis d'images de mort et de souffrance` ».

Le volet diplomatique

Les efforts diplomatiques des États-Unis devraient porter dans plusieurs directions. La secrétaire d'État, Condoleezza Rice [2], devrait rapidement nommer un coordinateur de la reconstruction à Bagdad, chargé de superviser et encadrer les équipes provinciales de reconstruction et de coordonner l'action des experts civils et militaires américains venant en aide aux autorités civiles et militaires.

Le président a en outre annoncé des efforts particuliers pour mobiliser en faveur de l'Irak divers pays de la région, parmi lesquels l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Jordanie et certains pays riverains du golfe Persique, censés prendre conscience, selon ses vues, qu’« une défaite américaine en Irak créerait un nouveau sanctuaire pour les extrémistes et une menace stratégique contre leur survie ». On notera que M. Bush a soigneusement évité de citer, dans cette partie de son discours, l'Iran et la Syrie, que la rapport Baker-Hamilton considérait comme de nécessaires parties prenantes dans un processus de reconstruction et de pacification de l'Irak.

Le président a ensuite nommément mis en garde l'Iran et la Syrie, accusés de permettre à des terroristes et rebelles d'utiliser leurs territoires comme bases arrières dans leurs incursions en territoire irakien. L'Iran étant même accusé de « fournir l'appui matériel pour des attaques contre les troupes américaines ». M. Bush a annoncé son intention d'interrompre les filières de soutien prenant leur source en Iran et en Syrie, de rechercher et détruire les réseaux fournissant de l'armement de haut niveau et assurant l'entraînement des États-Unis et enfin de prendre toutes les mesures nécessaires « pour soutenir la sécurité de l'Irak et pour protéger les intérêts américains au Moyen-Orient ». Pour ce faire, il a indiqué avoir ordonné le déploiement d'une force navale spécifique dans la région et a fait part de son intention de développer les activités de surveillance et d'espionnage ainsi que l'arrivée prochaine de systèmes de défense aériens Patriot.

Réactions américaines

Démocrates

Les principaux « ténors » du Parti démocrate ont vivement critiqué la teneur des plans présidentiels.

Dick Durbin, sénateur de l'Illinois, a estimé que « l'escalade de cette guerre n'est pas le changement auquel le peuple américain a appelé lors des dernières élection » et a reproché à M. Bush de ne pas tenir compte des mises en garde feutrées exprimées par des militaires américains de haut rang, parmi lesquels le général John Abizaid, commandant en chef du United States Central Command (CENTCOM) [3]

John Edwards, ancien sénateur de Caroline du Nord et ancien candidat à la vice-présidence des États-Unis en novembre 2004, candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2008, pense que « la confiance envers le président s'est érodée » et que « l'escalade dans la guerre est une énorme erreur ».

Barack Obama, également sénateur de l'Illinois et donné comme un des favoris dans la « course à l'investiture démocrate » pour l'élection présidentielle de 2008, juge pour sa part qu'un plan de redéploiement des troupes américaines en Afghanistan et autres régions où sévit le terrorisme, dont celui d'Al-Qaida, serait plus profitable.

Hillary Rodham Clinton, sénatrice de l'État de New York, pointe en premier lieu l’« incompétence et l'arrogance » qui caractériseraient selon elle la politique irakienne du président Bush. L'ex-« Première dame », qui avait voté en faveur de la guerre en Irak, conclut son communiqué en réclamant « une stratégie qui mette la pression sur le gouvernement irakien, qui résolve la crise politique par un redéploiement échelonné des troupes américaines, qui établisse un 'Iraqi Oil Trust' pour mettre fin à l'impasse en matière pétrolière et une stratégie diplomatique volontariste incluant une conférence internationale de tous les acteurs régionaux chargée de promouvoir la stabilisation de l'Irak ».

Ted Kennedy, sénateur du Massachusetts, est plus modéré, en évoquant sa préférence pour un accroissement des initiatives politiques, plutôt qu'une augmentation des moyens militaires.

Enfin, dans un communiqué commun, quatre des leaders démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, représentante de Californie et speaker de la Chambre des représentants, Harry Reid, sénateur du Nevada et chef de file des sénateurs démocrates, Dick Durbin, son adjoint, déjà nommé et Steny Hoyer, représentant du Maryland et chef de file des représentants démocrates, ont prévenu que les élus de leur parti comptaient décortiquer les projets du président Bush et précisé leur position face à un accroissement annoncé dees effectifs engagés en Irak : « Le peuple américain veut un changement de direction en Irak. Nous comptons continuer à faire pression sur le président Bush pour qu'il le lui donne. »

Indépendants

Joe Lieberman, sénateur indépendant du Connecticut mais siégeant comme apparenté au group démocrate, félicite quant à lui le président Bush pour son rejet de la fatalité de l'échec et son choix d'une nouvelle voie pour parvenir au succès en Irak.

Républicains favorables

John Cornyn, sénateur du Texas [4], estime que les plans dévoilés par le président représentent « vraie occasion pour la paix et la stabilité en Irak ».

Lindsey Graham, sénateur de Caroline du Sud, est à peu près sur la même ligne que le sénateur Lieberman, disant apprécier le bon vouloir d'un président qui reconnaît ses erreurs et J'apprécie sa volonté de reconnaître après des erreurs et son choix d'une nouvelle voie pour parvenir au succès en Irak.

La réaction de John McCain, sénateur de l'Arizona, est sans surprise, puisqu'on le savait partisan d'un renforcement encore plus substantiel de l'effectif des troupes américaines en Irak, de l'ordre de 35 000 hommes. M. McCain a exprimé son sentiment dans la journée de mercredi, soit avant l'allocution présidentielle.

Mitt Romney, ancien gouverneur [5] du Massachusetts, se montre satisfait des nouveaux plans de M. Bush, insistant sur la nécessité d'un déploiement rapide des renforts annoncés pour « assurer la sécurité du peuple irakien ».

Républicains sceptiques

Certains élus républicains se sont montrés soit franchement sceptiques, soit simplement circonspects.

Gordon Smith, sénateur de l'Oregon, estime que « la balle est désormais dans le camp de l'armée irakienne » et que la Maison Blanche « prolonge une tactique inefficace, afin de favoriser le statu quo ».

George Voinovich, sénateur de l'Ohio, qui s'était exprimé avant l'allocution présidentielle, s'est montré sceptique sur les chances de voir un accroissement des effectifs militaires permettre de mettre un terme aux violences interconfessionnelles.

Norm Coleman, sénateur du Minnesota, refuse, quant à lui, « de mettre plus de vies américaines en jeu à Bagdad sans être assuré que les Irakiens eux-mêmes sont disposés à faire ce qu'ils doivent faire pour arrêter la violence de l'Irakien contre l'Irakien ».

L'opinion publique

Il faut en fin rappeler un sondage réalisé par Gallup entre les 5 et 7 janvier [6], soit avant l'allocution présidentielle, mais alors que les grandes lignes du plan de George W. Bush étaient déjà dévoilées dans les médias depuis le début de la semaine précédente :

  • 57 % des personnes interrogées estiment que les États-Unis ont fait une erreur en envoyant des troupes en Irak (en progression de 4 % par rapport à décembre 2006, mais en deça du record de 59 % enregistré en septembre 2005) ;
  • 71 % pensent que les choses vont mal ou très mal pour les États-Unis en Irak (33 % + 38 %, en progression (globale) de 7 % par rapport à octobre 2006, dernière occasion où cette question avait été posée) ;
  • 72 % jugent que George W. Bush n'a pas un plan clair pour gérer la situation en Irak (en progression de 11 % par rapprt à septembre 2006, dernière occasion où cette question avait été posée) ;
  • les démocrates ne disposeraient pas d'une stratégie de rechange, puisque 66 % des sondés affirment que les démocrates n'ont pas un plan clair pour gérer la situation en Irak (en très légère baisse, de 1 %, par rapprt à septembre 2006, dernière occasion où cette question avait été posée) ;
  • 12 % des sondés se prononcent pour un accroissement des troupes engagées en Irak, tandis que 15 % se prononcent pour un retrait immédiat, 39 % pour un retrait dans un délai de 12 mois et 35 % pour un retrait étalé sur plusieurs années (l'opinion semble relativement divisée sur cette question, avec des fluctuations dans le temps, au fil des sondages successifs) ;
  • enfin, à la question, nouvelle, sur l'augmentation provisoire mais significative de l'effectif des troupes américaines en Irak pour aider à stabiliser la situation [7], 61 % des personnes interrogées se déclarent opposées, 39 % favorables et 3 % sans opinion.
Notes

Sources

Sources francophones
Sources anglophones