France : le Conseil constitutionnel censure des cavaliers législatifs dans une loi concernant les marchés publics

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Publié le 18 février 2009
C'est sous une forme amputée que le Président Sarkozy a promulgué la loi « pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés ». La cause, une série de cavaliers législatifs insérés dans le projet de loi au fil de la navette parlementaire. Le Gouvernenent avait déclaré l'urgence sur ce projet de loi, réduisant ainsi à une seule lecture, le débat sur celui-ci avant la réunion de la commission mixte paritaire.

À l'origine le texte ne comportait que 7 articles dont une nouvelle habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances. Au cours de la lecture unique devant les Chambres, l'Assemblée nationale avait introduit 17 articles et le Sénat 19. Plusieurs dispositions, dont 6 cavaliers législatifs, ont été contestés par plus de 60 sénateurs.

Des cavaliers législatifs censurés

Dans ce texte, étaient insérées les dispositions suivantes :

  1. Modification des pouvoirs de l’architecte des Bâtiments de France dans la procédure d’autorisation des travaux intervenant dans le périmètre des « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ». Le nouveau dispositif réduisant de manière substantielle les pouvoirs de l'architecte, reléguant son avis conforme à un simple avis. Ceci permettait aux collectivités de passer outre son avis ;
  2. Autorisation pour certaines exploitations viticoles à utiliser les mentions «  grand cru classé » et « premier grand cru classé » ;
  3. Ratification de l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ;
  4. Modification des règles de fonctionnement de l’Association pour la gestion du fonds de pension des élus locaux ;
  5. Habilitation du Gouvernement à réaliser par ordonnance un code de la commande publique ;
  6. Recul à 70 ans de la limite d’âge des présidents de conseil d’administration des établissements publics de l’État.

Le Conseil a rappelé, pour l'occasion, qu'un amendement ne doit pas « être dépourvu de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisi ». C'est donc au regard de l'objet du projet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale que les sages du Palais-Royal ont censuré les six articles ainsi créés par voie d'amendement. La juridiction constitutionnelle a relevé que ces articles n'avaient rien à voir avec le contenu initial du projet de loi en question qui était destiné « à faciliter la construction de logements ainsi que les programmes d’investissements ». Le texte prévoyait, en outre, d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur deux points :

  1. La création d'un régime d’autorisation simplifié applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement ;
  2. La réforme du régime de l’indemnité temporaire de retraite outre-mer.

En revanche, l'article 13 de la loi[1] a été validé par le Conseil sous certaines conditions. Le dispositif permet au seul candidat pressenti de faire varier le coût définitif de son offre en matière de financement. Les sénateurs de l'opposition ont contesté ce dispositif. Ces derniers estimaient que l'article a pour effet « de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique et au bon emploi des deniers publics (…) contradiction avec l’objet même du texte qui est d’accélérer les programmes de construction et d’investissement publics et privés ». Tout en validant l'article, le Conseil a émis certaines remarques selon lesquelles que « l’ajustement du prix ne saurait porter que sur la composante financière du coût global du contrat et ne pourrait avoir comme seul fondement que la variation des “modalités de financement” à l’exclusion de tout autre élément ».

Une polémique liée à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France

La décision du Conseil constitutionnel a mis fin, du moins temporairement, à la polémique en ce qui concerne les pouvoirs de l'architecte des Bâtiments de France. Il s'agit, plus précisément, de l’article L. 642-3 du code du patrimoine. Le texte adopté, par un cavalier législatif, prévoyait la suppression de tout avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France[2].

Lors du débat sur les conclusions de la commission mixte paritaire à l'Assemblée, la rapporteure, Mme Laure de La Raudière[3], avait fait entendre que la majorité « a également souhaité, à l’initiative de notre collègue Nicolas Perruchot[4], simplifier les décisions quotidiennes des élus en matière d’urbanisme dans les cinq cents zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Nous avons donc supprimé l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France ». Ces propos avaient provoqué une levée de boucliers de la part de l'opposition.

L'auteur de ce texte, avait jugé que le dispositif retenu « permettra de débloquer beaucoup d’investissements qui étaient jusqu’alors considérablement ralentis et parfois même empêchés par la nécessité d’un avis conforme ».

Cette position avait été vivement critiquée par le socialiste François Brottes. Ce dernier avait rétorqué : « Dans le cadre de votre tri sélectif, vous supprimez l’avis conforme des Architectes des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine et, un malheur n’arrivant jamais seul, vous instaurez la liberté d’action du mécénat dans ces périmètres, comme pour rendre nos vestiges dociles devant les projets de promotion immobilière alentour. Je fais là un procès d’intention, j’en conviens, et je l’assume ! Nous en reparlerons dans quelques mois. »

Les textes en question
L'article 13 de la loi promulguée

En 2009 et 2010, par dérogation aux articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et aux articles L. 1414-7, L. 1414-8, L. 1414-8-1 et L. 1414-9 du code général des collectivités territoriales, la personne publique peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l'offre finale présentent un caractère ajustable. Mention en est portée dans l'avis d'appel public à la concurrence.

Le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le contrat présente le financement définitif dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice. À défaut, le contrat ne peut lui être attribué et le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai.

L'article L. 642-3 du code du patrimoine tel que modifié par les dispositions invalidées par le Conseil constitutionnel
Les travaux de construction, de démolition, de déboisement, de transformation et de modification de l'aspect des immeubles compris dans le périmètre de la zone de protection instituée en vertu de l'article L. 642-2 sont soumis à autorisation spéciale, accordée par l'autorité administrative compétente en matière de permis de construire après avis conforme[5] de l'architecte des Bâtiments de France. Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol prévues par le code de l'urbanisme en tiennent lieu sous réserve de cet avis conforme[5], s'ils sont revêtus du visa de l'architecte des Bâtiments de France.
En cas de désaccord soit du maire ou de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire, soit du pétitionnaire, avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'État dans la région émet, après avis de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Les délais de saisine du préfet de région et ceux impartis à la section de la commission régionale du patrimoine et des sites et au préfet de région pour statuer sont fixés par décret en Conseil d'État.[5]
Le ministre compétent peut évoquer tout dossier dont l'architecte des Bâtiments de France ou le représentant de l'État dans la région[5] est saisi en application du présent article.
Dans la collectivité territoriale de Corse, les compétences dévolues au préfet de région par le présent article sont exercées par le préfet de Corse. Si le ministre compétent a décidé d’évoquer le dossier, l’autorisation ne peut intervenir qu’après son accord.[6]
Notes

Voir aussi

Sources


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