Chili : la justice se penche sur la mort de Salvador Allende

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Nouvelle info : 20 juillet 2011 — Chili : le comité d'experts international conclut au suicide de Salvador Allende


Salvador Allende.

La dépouille de l'ancien président socialiste Salvador Allende, mort lors du coup d'État de 1973, a été exhumée aujourd'hui. Elle sera examinée par un groupe d'experts afin de déterminer les causes du décès.

Publié le 23 mai 2011
La dépouille de Salvador Allende a été exhumée ce matin au cimetière général de Santiago du Chili, en présence des deux filles de l'ancien président, du juge Mario Carroza et des experts médico-légaux que ce dernier a désignés pour mener à bien l'autopsie. Un comité de douze spécialistes, chiliens et étrangers, a été formé afin d'examiner le corps. Le 26 janvier dernier, la procureur Beatriz Pedrals avait décidé d'ouvrir une enquête sur les conditions non élucidées de sa mort le 11 septembre 1973.

Salvador Allende était arrivé en tête du scrutin présidentiel le 4 septembre 1970, puis avait été confirmé par le Congrès le 24 octobre. Membre du Parti socialiste du Chili et porté par la coalition d'« Unité populaire » regroupant les partis de gauche, il avait mené une politique de réformes sociales et économiques, comprenant notamment des nationalisations. De mauvais résultats économiques ainsi que l'hostilité de l'opposition et de l'armée, soutenues par les États-Unis, menèrent au renversement du régime. Le 11 septembre 1973 au matin, des unités de la marine se soulèvent et prennent le contrôle du port de Valparaiso, suivies par les autres unités à travers le pays. Salvador Allende arrive à La Moneda, le palais qui abrite la présidence et se rend compte vers 9 h, malgré la coupure des communications, de l'ampleur de la trahison des chefs militaires. Il refuse alors l'offre des putschistes de quitter ses fonctions et de fuir le pays en avion. La Moneda, défendue par une cinquantaine de personnes, est alors attaquée par l'armée et bombardée par des chars puis, peu avant midi, par l'aviation. Durant le siège, le président prononce cinq allocutions radiophoniques, dans lesquelles il reconnaît l'inégalité du combat mais réaffirme qu'il est prêt à mourir pour la démocratie[1]. Selon Patricio Guijón, médecin présent à ses côtés, Allende déclare peu avant 14 h qu'« il faut arrêter le massacre » Le bâtiment est alors envahi de fumée et de gaz lacrymogènes et plusieurs incendies s'y sont déclarés. Les défenseurs se rendent peu après, laissant seul le président.

Patricio Guijón affirme avoir fait demi-tour, être revenu dans le palais et avoir entendu une rafale d'arme à feu puis vu tomber Salvador Allende, dix minutes avant que les deux premiers militaires n'entrent dans la pièce. Selon lui, le président se serait suicidé avec son arme automatique. C'est l'hypothèse la plus acceptée, selon laquelle il se serait donné la mort avec le fusil AK-47 qui lui avait offert Fidel Castro. C'est également la conclusion de l'autopsie réalisée à huis clos par la junte à l'hôpital militaire de Santiago, d'une balle dans le menton. Mais des zones d'ombres persistent. Selon la sénatrice Isabel Allende, fille de l'ancien président, l'« autopsie a été menée dans des conditions opaques ». Bien qu'elle pense que son père se soit effectivement suicidé et ait « préféré se donner la mort plutôt que d’être humilié », elle déclare : « Cela nous paraît important pour le pays et pour le monde que l'on puisse établir juridiquement les causes de sa mort et les circonstances extrêmement violentes qui l'ont entourée ». Parmi les interrogations figurent l'arme et les balles, qui n'ont jamais été retrouvées, et les blessures. Selon le médecin légiste Luis Ravanal, le rapport d'autopsie mentionne deux lésions à la tête, dont une qui aurait été faite par une arme de plus petit calibre que l'AK-47 ; il ne s'agirait donc pas d'un suicide. Plusieurs thèses alternatives ont été proposées. Parmi elles, celle que Salvador Allende ait été tué par un soldat putschiste. L'hypothèse que Salvador Allende ait tenté de se suicider sans y parvenir et ait reçu le coup de grâce d'un de ses gardes du corps cubains a aussi été avancée, de même que celle, minoritaire, d'un assassinat par l'un de ces mêmes gardes sur ordre de Fidel Castro.

Les communications entre le vice-amiral Patricio Carvajal et le général Augusto Pinochet le 11 septembre 1973 avaient été captées par un radioamateur. Si le premier était prêt à envisager une négociation avec Salvador Allende, le seconde voulait absolument la mort du président.

La dépouille de Salvador Allende avait été exhumée une première fois en 1990, en l'absence d'experts, pour être transférée au cimetière général de Santiago. Selon le cameraman Pablo Salas, présent à l'époque, le cercueil était en mauvais état et seuls les ossements, sans les vêtements, avaient été conservés. La procureur a ordonné une seconde autopsie le 15 mai dernier, deux jours après une demande de la famille de l'ancien président. L'équipe de spécialistes réunie par le juge Mario Carroza compte des médecins légistes, des anthropologues, une archéologue et un expert en balistique. Elle devra réaliser « un examen radiologique de l'ossature » et travailler avec des experts en dentition et en balistique, selon le directeur du service médico-légal de Santiago. Des prélèvements sanguins des deux filles de Salvador Allende devraient servir à authentifier les restes.

La procureur Beatriz Pedrals a ouvert en même temps le 26 janvier 725 autres enquêtes sur des dossiers de violation des droits de l'homme qui n'avaient pas fait l'objet d'investigations, faute de plainte : « Là où il n’y a pas eu d’enquête, la justice va se charger de mener l’enquête. Et on parviendra aux conclusions qui correspondent. Il est possible qu’on parvienne à faire la lumière sur certaines circonstances et non sur d’autres. Mais le fait est que la justice va enquêter ».
La dictature militaire qui a suivi le coup d'État de 1973 et duré jusqu'en 1990 a fait 3 150 tués et disparus ; 28 000 personnes ont été torturées. Aujourd'hui, 560 anciens militaires sont poursuivis pour des crimes commis sous la dictature.

Notes

Sources



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