Manifestations meurtrières en Tunisie

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██ Pays non-arabes touchés par un mouvement social simultanément aux révoltes arabes
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Localisation de la Tunisie

Publié le 28 décembre 2010
Depuis dix jours, la région de Sidi Bouzid (centre-ouest de la Tunisie, à 265 km de Tunis) est secouée par des manifestations violentes, réprimées par le pouvoir, sur fond de misère sociale. Au moins trois personnes seraient mortes durant ces affrontements, et des dizaines blessées.

La misère et l'injustice, facteurs de déclenchement

Sidi Bouzid, ville de 40 000 habitants, est le siège d'un gouvernorat (préfecture) dans une région agricole pauvre, où le taux de chômage est élevé, dans un pays, la Tunisie, qui souffre de la crise (avec plus de 25 % de chômeurs) et d'une gestion mafieuse de l'État. Depuis deux ans, le pays est régulièrement secoué par des révoltes violentes, comme en 2008 à Gafsa, sur fond de chômage, de misère, d'injustice, et de désespoir. Il faut aussi compter avec la multiplication des milices (chourafas) : Groupes loyalistes légitimistes (GLL) qui affrontent les Groupes des étudiants armés (GEA). Les GLL montent des barrages routiers de leur propre chef, se sont rendus coupables d'exactions, massacres, enlèvements, extorsion de fonds, pillages. Des officiels y appartiennent.

C'est dans ce contexte tendu que vendredi 17 décembre, un jeune chômeur diplômé de l'université qui vend des légumes à la sauvette pour survivre, se fait confisquer sa marchandise pour la énième fois par les agents municipaux. Après avoir tenté de la récupérer, sans succès, il veut déposer une plainte au gouvernorat (préfecture) mais se heurte à un nouveau refus. Désespéré, il s'immole par le feu sur la place devant le siège du gouvernorat.

Manifestations de protestation

Dès que la nouvelle se répand, un rassemblement de soutien se forme sur la place, pendant que le jeune chômeur est transporté à l'hôpital de Sfax, puis à Tunis dans une unité spécialisée dans les soins aux grands brûlés. Le lendemain, jour de souk à Sidi Bouzid, la ville se soulève contre les forces de l'ordre, malgré la violence de la répression. Les affrontements touchent plusieurs quartiers et durent tard dans la nuit. Le siège local du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, au pouvoir), est incendié, ainsi que quelques voitures et poubelles. Au moins trois policiers sont blessés, et des dizaines d'arrestation ont lieu.

Le lendemain, la ville est quadrillée et encerclée par la police. Quadrillée : des postes de contrôle, avec murs de sacs de sable et chicanes, sont installés aux carrefours. Encerclée : un cordon de policiers entoure la ville, pour empêcher qui que ce soit d'entrer ou de sortir. Cela n'empêche pas de nouvelles manifestations le dimanche et le lundi, qui font de nouveaux blessés, parfois graves, chez les manifestants.

Cela n'empêche pas non plus la nouvelle de circuler à l'extérieur de la ville, bien que les médias affidés au pouvoir taisent les événements, puis les qualifient de « rumeurs infondées ». Mais les autres journalistes sont empêchés de travailler : il leur est interdit d'entrer dans la ville, ils sont soumis à des filatures et des contrôles, et il existe au moins un cas d'un journaliste tabassé et privé de son matériel.

Le mardi 21, le gouverneur et les représentants de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT, syndicat officiel) négocient la libération de 34 des 37 manifestants arrêtés.

La propagation de la révolte

Cependant, le syndicat ne réussit pas ni rassurer sur l'avenir (le mercredi, un diplômé de 24 ans au chômage se suicide en se jetant sur une ligne à 300 000 volts), ni à canaliser la population, toujours révoltée. Au contraire, elle continue jour après jour, sans interruption, à affronter les policiers et les différentes milices défendant le pouvoir. Et le mouvement de révolte commence à s'étendre. Le mercredi 22, des manifestations ont lieu à Meknassy (13 000 habitants, à 60 km au sud de Sidi Bouzid) et Menzel Bouzaiane (à 10 km de Meknassy). Dans la deuxième ville, 2 000 manifestants font reculer les policiers, incendient des voitures, un train de marchandises, la délégation (sous-préfecture), assiègent la caserne de la garde nationale puis l'incendient une fois évacuée par les gardes nationaux qui se réfugient à la mosquée. Un manifestant est tué par balles, des blessés graves sont relevés des deux côtés.

Le lendemain, le ministre du Développement et de la coopération internationale, Nouri Jouini, est dépêché en urgence à Sidi Bouzid et annonce des créations d'emplois et une aide de 15 millions de dinars (7, 6 millions d'euros).

Cette annonce n'a aucun effet, si ce n'est que d'amplifier le mouvement de révolte le lendemain, 24 décembre :

  • une manifestation à Sidi Bouzid pour le huitième jour consécutif, où des cocktails Molotov sont utilisés ;
  • de nouveaux affrontements à Meknassy. À Kasserine, ville de 76 000 habitants à 70 km à l'ouest de Sidi Bouzid (où 50 avocats font un sit-in, qui se transforme en importante manifestation), à Jilma (5 000 habitants à 30 km au nord). À Meknassy, des militants du RCD, le parti au pouvoir, se joignent aux combats du côté de la police.

Et le soir même, un correspondant des radios Kalima et Galère (radio de la région de Marseille) est interrompu par l'action de la police, en direct, alors qu'il commentait l'actualité de chez lui, à Sfax.

Le 25, de nouveaux affrontements ont eu lieu à Sidi Bouzid, et à Souk Jedid, où la délégation a été incendiée. À Regueb, municipalité de 8 000 habitants située à 35 km à l'est de Sidi Bouzid, 2000 personnes affrontent pendant plusieurs heures la police, causant d'importants dégâts.

Enfin, alors que les manifestations se poursuivent dans le centre de la Tunisie et font de nouveaux blessés, le mouvement reçoit le soutien des grandes villes le 27 décembre. Malgré la censure, des manifestations ont lieu à Tunis (1 000 manifestants sont dispersés violemment et au moins 12 d'entre eux sont blessés), Ben Guerdane, Kairouan, Sousse, Sfax, aux îles Kerkennah et à Médenine.

Sources