France : le Conseil constitutionnel annule une disposition du « paquet fiscal »

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Publié le 18 août 2007
Le Conseil constitutionnel français a rendu, jeudi dernier, une décision par laquelle il censure partiellement l'une des dispositions phares du « paquet fiscal ». Cet arrêt met à mal l'une des promesses du Président de la République, Nicolas Sarkozy.


L'analyse de l'arrêt

Les juges ont commencé, comme cela est souvent le cas, à énoncer un principe avant de statuer sur le dossier qui leur a été soumis. Ainsi, en application de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, combiné avec l'article 34 de la Constitution, « il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Ils ont ajouté  : « si le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux, c’est à la condition qu’il fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose et que l’avantage fiscal consenti ne soit pas hors de proportion avec l’effet incitatif attendu ».

C'est donc sur ce dernier principe qu'une des dispositions sera censurée par le Conseil.

Sur l'article 1er

Le dispositif prévoit, pour l'IRPP[1] acquitté par les salariés, l'exonération des heures supplémentaires, ainsi qu'une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale et une déduction forfaitaire des cotisations patronales dues au titre de ces mêmes heures.

Les auteurs de la saisine y voient une atteinte « tant au droit à l’emploi qu’au principe d’égalité devant les charges publiques ». Aucun de ces deux moyens n'a été retenu par les juges.

Ils ont examiné la volonté du législateur, issue des débats parlementaires, pour fonder leur décision. Ainsi, en vertu du principe constitutionnel du devoir de travailler et du droit d’obtenir un emploi, le texte incriminé tend à sa mise en œuvre. De plus, l'article ne déroge, en aucune manière, à la législation existante sur la durée maximale du travail. Les partenaires sociaux entrant en ligne de compte lors des discussions de ces heures, les exigences constitutionnels selon lesquelles « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail » ont bient été respectée, y compris en matière de santé.

En matière fiscale, il a été jugé que le dispositif en question répond à un motifs d'intérêt général, comme la stimulation de l'emploi. En outre, l'exonération s'applique à l'ensemble des heures supplémentaires quels que soient les régimes de travail. Le Conseil ajoute qu'en réservant « le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu et de charges sociales aux seules heures effectuées au-delà de la durée légale du travail, que celle-ci soit définie en heures ou en jours, quelle que soit la durée contractuelle du travail applicable aux salariés concernés, le législateur, loin de méconnaître le principe d’égalité, a évité une rupture d’égalité entre les salariés ».

Pour ce qui est de la CSG[2] et de la CRDS[3] ces impositions continueront à s'opérer sur ces heures supplémentaires. « si le montant de cette réduction couvre, compte tenu des modalités d’application de la loi indiquées par le Gouvernement, le montant de ces contributions dû par le salarié au titre des heures supplémentaires ou complémentaires, cette mesure, d’une portée limitée, ne crée pas une rupture d’égalité contraire à l’article 13 de la Déclaration de 1789 », conclut le Conseil.

Sur l'article 5

Le dispositif attaqué instituait un crédit d’impôt sur le revenu à raison des intérêts payés au titre des cinq premières annuités de remboursement des prêts contractés pour l’acquisition ou la construction d’un logement affecté à l’habitation principale du contribuable. Deux conditions étaient requises :

  1. les prêts devaient être contractés auprès d’un établissement financier ;
  2. le logement devait être conforme à des normes minimales de surface et d’habitabilité.

L'avantage fiscal était le suivant :

  • un crédit d’impôt à 20 % des intérêts dans la limite d’un plafond de 3 750 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 7 500 € pour un couple soumis à imposition commune ;
  • une majoration de ces plafonds de 500 € par personne à charge.

Le crédit d'impôt ne constitue pas un avantage manifestement disproportionné pour ce qui concerne le crédit d’impôt « résultant de la construction ou de l’acquisition d’une habitation principale postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi tend à favoriser l’accession à la propriété ». Le Conseil reconnaît l'intérêt général de cette mesure.

Fichier:Conseil constitutionnel.jpg
Fronton du Conseil constitutionnel

En revanche, après avoir relevé, d'après les débats au Parlement, que « le crédit d’impôt résultant de la construction ou de l’acquisition d’une habitation principale antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi tend à soutenir la consommation et le pouvoir d’achat », il estime qu'en « décidant d’accroître le pouvoir d’achat des seuls contribuables ayant acquis ou construit leur habitation principale depuis moins de cinq ans, le législateur a instauré, entre les contribuables, une différence de traitement injustifiée au regard de l’objectif qu’il s’est assigné ». Les magistrats ont eu une analyse différente que celle du Gouvernement lequel faisait valoir que la mesure critiquée aurait un impact budgétaire limité. Les magistrats ont relevé, quant à eux que « cet avantage fiscal fait supporter à l’État des charges manifestement hors de proportion avec l’effet incitatif attendu ».

Dans son communiqué de presse, le Conseil a ajouté que le coût de la mesure en question était estimé à 7,7 milliard d'euros (plus de 50 milliards de francs français).

Le dispositif a donc été censuré par le Conseil constitutionnel. Ceci constituait l'une des principales mesures du Gouvernement Fillon, sur les promesses de Nicolas Sarkozy lors de la campagne électorale.

Sur l'article 11

Les dispositions de l'article 11 de la loi déférée abaisse de 60 % à 50 % la part maximale de ses revenus qu’un foyer fiscal peut être tenu de verser au titre des impôts directs, intégrant désormais des contributions sociales dans le montant de ces derniers.

Les députés en question estiment qu'il s'agit d'un moyen détourné pour exonérer les plus fortuné de l'ISF[4]. Le Conseil constitutionnel en a fait une interprétation inverse. Aussi, dans un considérant de principe, il rappelle que « l’exigence résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ». Dès lors, « dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

Aussi, le législateur ne viole pas la Constitution en y incluant, dans les impositions plafonnées, les montants de la CSG et de la CRDS, lesquels présentent le caractère d'une imposition en droit français. Aucune erreur manifeste peut donc, selon les juges, être reprochée à la loi. Ces derniers précisent que « le dispositif de plafonnement consistant à restituer à un contribuable les sommes qu’il a versées au titre des impôts directs au-delà du plafond fixé par la loi ne peut procéder que d’un calcul global et non impôt par impôt ».

Sur l'article 16

L'article 16 concernait certaines réductions de l'ISF au titre de certains investissements dans les petites et moyennes entreprises. Contrairement aux députés estimant qu'il s'agissait d'une rupture du principe d'égalité au regard des charges publiques, le Conseil constitutionnel a examiné la disposition dans son ensemble.

Il a pris en compte l'incitation « à l’investissement productif dans les petites et moyennes entreprises compte tenu du rôle joué par ce type d’entreprises dans la création d’emplois et le développement de l’économie ». En outre, le taux de défaillance de ces PME a été pris en compte pour estimer que la réduction ainsi consentie par l'État n'était donc pas disproportionnée compte tenu, aussi, de l'intérêt général.

L'incidence budgétaire du paquet fiscal

Le dernier point contesté par le député concerne l'incidence budgétaire de la loi. Selon eux, de telles mesures auraient dû être prises dans le cadre d'une loi de finance rectificative et non pas dans celui d'une loi ordinaire.

Le Conseil a rejeté ce dernier moyen. Les juges du Palais-Royal ont jugé que les mesures n’ont pas eu pour effet de provoquer un écart sensible par rapport aux prévisions budgétaires votées l'hiver dernier. Si tel était le cas, il incomberait, en effet, au Gouvernement, de déposer un projet de loi de finances rectificative.

Les réactions

Après avoir pris acte de la décision du Conseil constitutionnel, le Premier ministre a annoncé qu'il sera proposé « dans les prochains jours un nouveau dispositif permettant aux Français ayant déjà souscrit un emprunt de pouvoir bénéficier, eux aussi, de mesures gouvernementales en faveur de l’accès à la propriété ».

De son côté, Christine Lagarde, ministre de l'Économie et des Finances, a annoncé, sur l'antenne de la radio Europe 1 que, « Pour ce qui concerne les emprunts souscrits depuis l'élection présidentielle le 6 mai, nous avons un mécanisme que nous allons proposer au Premier ministre lundi matin ».

Notes

Sources


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